Lot-et-Garonne : la colère dévoyée des petits agriculteurs13/03/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/03/2902.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Lot-et-Garonne : la colère dévoyée des petits agriculteurs

De la montée à Rungis fin janvier jusqu’au Salon de l’agriculture fin février, les agriculteurs du Lot-et-Garonne ont été à la pointe de la mobilisation agricole. Alors que dans la plupart des départements, la FNSEA est le syndicat majoritaire, dans le Lot-et-Garonne la Coordination rurale dirige depuis 2001 la Chambre d’agriculture.

La Coordination rurale est un syndicat qui se distingue de la FNSEA par ses opérations musclées contre les « écolos gauchos » et contre l’État, et par ses discours plus radicaux. Le revenu agricole dans le Lot-et-Garonne est parmi les plus faibles du pays et les différences entre les gros et les petits, déjà fortes, se sont renforcées des dernières décennies. Ainsi plus de la moitié des 5 000 exploitations du département ne dépassent pas 50 hectares, totalisant moins de 20 % de la surface agricole, tandis que 17 % d’entre elles dépassent 100 hectares et regroupent plus de la moitié de la surface agricole. Les petits agriculteurs, qui sont souvent surendettés, éprouvés et isolés, forment la base de la Coordination rurale 47 (CR47), alors que celle-ci est dirigée par des exploitants parmi les plus prospères. Ainsi l’un de ses fondateurs, qui en a été un dirigeant des années 1990 aux années 2010, est Michel de Lapeyrière, céréalier et notable local, surnommé le Baron. Son leader le plus connu est Serge Bousquet-Cassagne, pépiniériste, producteur de pruneaux et de maïs sur une centaine d’hectares, surnommé la Castagne. Il est connu pour ses actions coup de poing et ses idées d’extrême droite, comme la suppression du RSA, des allocations chômage et du smic, afin selon lui de « remettre les Français au travail ». À la tête de la Chambre d’agriculture depuis 2013, il y dissout les instances du personnel et a laissé les salariés sans représentation.

Le programme de la CR47 est simple : guerre à l’administration et liberté totale d’exploiter la terre et les salariés agricoles. Les dirigeants du syndicat ont gagné leur popularité auprès des petits agriculteurs au travers d’actions musclées, qui leur ont valu des dizaines de condamnations en justice, sur fond d’idées antiouvrières et réactionnaires. Ainsi en 2001, la CR47 occupait la préfecture d’Agen pour réclamer le droit de faire venir des ouvriers agricoles polonais et marocains avec des contrats précaires. Bousquet-Cassagne demandait alors « des gens qui ont faim et qui ont envie de travailler », les travailleurs du département étant qualifiés de « bras cassés ». Dans les années 2000, le syndicat a organisé les « FAR », les Forces d’action rapide, destinées à rassembler dix ou vingt agriculteurs pour faire pression sur les employés de l’État contrôlant une exploitation ou sur un juge des Prud’hommes prenant des décisions en faveur d’un salarié agricole au détriment du propriétaire. Dans cette veine, en 2004, avec des affiches « Non à l’inquisition », la CR47 a soutenu un agriculteur de Dordogne qui avait abattu deux inspecteurs du travail enquêtant sur les conditions de travail de ses saisonniers.

La CR47 n’hésite pas non plus à menacer physiquement les militants écologistes, à défendre l’emploi des pesticides sans contrôle, à dénoncer les normes, européennes ou étatiques, ainsi que les importations de produits étrangers, et à se comporter en milice. En 2014, elle a envoyé ses membres affronter les zadistes qui s’opposaient à la construction du barrage de Sivens dans le Tarn. En 2018, avec la Chambre d’agriculture et malgré l’opposition de l’État, elle a organisé la construction par les agriculteurs eux-mêmes d’une mégabassine à Caussade.

La révolte des petits agriculteurs du Lot-et-Garonne, broyés par la société capitaliste, est légitime. Mais ils ne trouveront une réelle solution à leurs problèmes que dans la lutte contre le capitalisme, représenté par les gros propriétaires, les trusts et les banques, alors que des démagogues comme ceux qui dirigent la CR47 ne font que détourner leur colère dans de faux combats.

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