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Dans le monde
Russie : Poutine face à un mécontentement croissant
Même si la propagande du Kremlin fanfaronne sur quelques bourgades prises ou reprises à l’armée ukrainienne, cela ne peut masquer le coût croissant de la guerre pour la population, inévitable quand l’État a décidé de consacrer 30 % de ses dépenses en 2024 au seul budget de la Défense.
Alors que ces dernières semaines le thermomètre frisait les moins 30° en région moscovite, les 150 000 habitants d’une ville champignon limitrophe de la capitale, Podolsk, se sont retrouvés sans chauffage. Les canalisations du chauffage urbain, non entretenues, avaient explosé. Dans les logements HLM, la température ne dépassait pas 6 à 10°. Las de voir leurs plaintes ne déboucher sur aucune réparation, ni en urgence, ni au bout de plusieurs jours, des groupes d’habitants s’agglutinaient autour de braseros devant les barres d’immeubles, protestant contre les autorités.
Podolsk n’est pas un cas isolé. D’autres villes ont connu ces derniers temps des phénomènes identiques. Face à cela, en général, les représentants de l’État central ont joué sur un registre bien rodé : ils ont froncé les sourcils et désigné quelques lampistes, promptement arrêtés devant les caméras de télévision…
À Moscou, un politicien néostalinien, le coordinateur du Front de gauche, Sergueï Oudaltsov, pourtant soutien de la guerre de Poutine en Ukraine, vient d’être emprisonné. Le 21 décembre, il avait déjà été interpellé pour avoir déposé une gerbe sur la tombe de Staline, en ajoutant : « Pour que la Russie l’emporte, il faut que le peuple ait le pouvoir. » Puis, dans l’affaire de Podolsk, il a protesté sur les réseaux sociaux en réclamant le renvoi des autorités de la ville. Il a eu droit aussitôt à une descente de police à son domicile et à une inculpation pour apologie du terrorisme ! Il risque sept ans de prison.
Dans l’Oural, chose rare en Russie aujourd’hui, des affrontements ont opposé le 17 janvier la police à la population de Baïmak, en Bachkirie. Sur 15 000 habitants de Baïmak, qui travaillent surtout dans le secteur minier, 6 000 ont manifesté. Une proportion énorme ! Cette mobilisation a pour origine l’arrestation de Faïl Alsynov, un militant bachkir connu pour dénoncer la pollution industrielle effrénée de la région – elle est riche en pétrole, en or, en charbon, en fer et autres minerais. Pire, pour le pouvoir, il venait de déclarer que la guerre en Ukraine « n’est pas celle des Bachkirs », alors qu’ils sont sur-représentés parmi les soldats envoyés et tués en Ukraine, comme d’autres minorités nationales pauvres.
Une vingtaine de personnes ont été arrêtées, autant auraient été blessées et les autorités ont ouvert une enquête pour organisation d’« émeutes de masse » et violences contre la police, des motifs passibles de lourdes peines de prison.
D’ici à la farce d’une élection présidentielle prévue en mars, que Poutine a l’assurance d’emporter, il n’est pas question que le pouvoir laisse entrevoir que la population est loin de soutenir unanimement la politique et la guerre du Kremlin. Mais, quand le prix des œufs et du beurre triple en un an, que flambe celui de nombreuses denrées indispensables, que les services publics se délabrent à vue d’œil, il ne faut pas s’étonner que la contestation resurgisse. Le pouvoir y répond en renforçant sa répression, mais il n’est pas certain que cela suffise à contenir de façon durable le mécontentement.