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Allemagne : face au danger d’extrême droite
Le 10 janvier, un média d’investigation révélait qu’une rencontre secrète s’était tenue quelques semaines plus tôt près de Berlin. Des permanents de l’AfD (extrême droite), quelques-uns de la CDU (droite), et des néonazis y avaient été conviés par le patron d’une grande chaîne de boulangerie.
L’objet de la réunion était un plan pour déporter d’Allemagne des millions de personnes issues de l’immigration. La nouvelle a déclenché une onde de choc et, depuis, d’imposantes manifestations se déroulent tous les jours dans toutes les régions. Indignées, un million de personnes ont manifesté entre le 19 et le 21 janvier, dont plus de 100 000 à Munich et Berlin, plusieurs dizaines de milliers à Cologne, Hambourg, Francfort, Dresde et Leipzig. Une affluence partout exceptionnelle, très supérieure à ce qu’avaient prévu les organisateurs.
Bien des manifestants craignent le retour d’une dictature et veulent vraiment agir contre le poison d’extrême droite. La question qui se pose est : comment ? Des manifestations, aussi réussies, aussi massives soient-elles, sont réconfortantes mais elles ne peuvent entamer l’influence ou le potentiel de nuisance de l’extrême droite.
Des hommes politiques proposent face à cela d’entamer une procédure visant à interdire l’AfD. Mais, d’abord, les partis de gouvernement portent une lourde responsabilité dans sa montée. Ils se comportent donc comme des incendiaires qui joueraient aux pompiers. Ensuite, face à une AfD qui électoralement pèse 20 %, comment une mesure administrative pourrait-elle suffire ? L’essor de l’extrême droite n’a rien d’accidentel. Il est lié à la crise du capitalisme et à la dégradation des conditions de vie des classes populaires.
Le problème ne se limite pas à un parti, et d’ailleurs des politiciens de la CDU étaient présents à la réunion secrète. Les néonazis étaient aussi présents, alors que l’AfD s’échine généralement à nier ses liens avec eux. Il est devenu visible que les succès de l’AfD renforcent aussi ceux qui prônent ouvertement la violence et la dictature.
Proposer d’interdire ou de légiférer revient à faire confiance à la classe politique pour mener la lutte contre l’extrême droite. Les hommes politiques, face à l’émotion, en parlent, veulent surtout avoir l’air de faire quelque chose, ne serait-ce que pour redorer leur blason, comme le très impopulaire chancelier Scholz (SPD). Mais si une telle mesure devait être prise, faudrait-il ensuite faire confiance à la police, à la justice et aux services de l’État pour imposer puis appliquer l’interdiction ? Jusqu’en 2018, le chef du renseignement allemand était un certain Maassen, ami de l’AfD. Les scandales se succèdent, impliquant des militaires d’extrême droite à la tête de réseaux s’étant constitué de véritables arsenaux sur les stocks de l’armée, fomentant attentats, meurtres ou tentatives de putsch. La justice se montre d’une clémence suspecte.
On ne peut laisser la lutte contre l’extrême droite aux soins des gouvernants ou de l’appareil d’État de la bourgeoisie. C’est la politique de celle-ci qui, au fil des ans, ouvre un boulevard à l’extrême droite. Les gouvernants, en lui donnant forme, y sont associés.
Par contre, la classe ouvrière, en commençant par intervenir sur les lieux de travail et dans les quartiers pour que tous, quelle que soit leur origine ou leur nationalité, s’unissent contre les véritables responsables des dégradations actuelles, contre les capitalistes et leur gouvernement, pourrait offrir à la société une autre perspective que le retour aux heures les plus sombres de l’histoire.