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Dans le monde
L’Ocean Viking consigné : “Laissez-les mourir !”
Pour la deuxième fois en quelques semaines, le navire Ocean Viking affrété par l’ONG SOS Méditerranée a été consigné par les autorités italiennes dans le port de Bari, sur l’Adriatique, pour avoir dévié sa route de quelques milles dans l’espoir de porter secours à de nouveaux réfugiés en danger.
L’Ocean Viking est puni, bloqué pour vingt jours dans ce port pour avoir contrevenu au décret Piantedosi, article de loi meurtrier qui lui imposait « de se diriger sans délai, à la vitesse maximale et en suivant une route directe vers le lieu sûr assigné ». Or avec 244 réfugiés à son bord, secourus en deux jours lors de trois opérations de sauvetage, l’Ocean Viking avait reçu un nouvel appel au secours. Pour avoir tenté d’y répondre, le navire humanitaire et son équipage tombent sous le coup du décret, sont mis dans l’impossibilité de procéder à de nouveaux sauvetages, et menacés d’une nouvelle amende.
Peu de navires continuent de porter assistance aux réfugiés en partance vers l’Europe dans cette zone de Méditerranée centrale. Si SOS Méditerranée a pu secourir un millier de personnes depuis Noël, l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM, totalise 2 678 morts ou portés disparus dans cette zone depuis janvier 2023. Dans l’Atlantique, au large du Maroc, à 50 km du cap Boujdour, 14 personnes sur 58 passagers d’un Zodiac dégonflé ont péri le 28 décembre, les autorités espagnoles et marocaines s’étant renvoyé la responsabilité d’intervenir plusieurs heures durant. Au total, plus de cent réfugiés ont perdu la vie dans l’une de ces traversées vers les Canaries, depuis le Sénégal ou le Maroc.
Quant à la Manche, si les décès ont été heureusement moins nombreux l’an passé, plus de 23 400 personnes l’ont traversée en 2023, dans des conditions qu’on peut imaginer. Comme le dit une militante d’Utopia 56, pour les Afghans, Iraniens, Turcs, Érythréens, Irakiens, « il n’y a toujours pas de voie de passage sûre et légale pour les personnes qui tentent de gagner l’Angleterre et les stratégies de militarisation de la côte ne servent qu’à faire prendre plus de risques ».
Une ONG, dans son bilan glaçant « Migrants disparus », recense en dix ans 28 320 hommes, femmes et enfants morts ou disparus rien qu’en Méditerrannée. En 2023, 90 % des décès de migrants ont eu lieu en Méditerranée centrale. La « route migratoire la plus dangereuse au monde », comme le rappelle InfoMigrants, est empruntée par celles et ceux qui fuient la dictature et la misère depuis l’Afrique de l’Ouest, de l’Est ou la Corne de l’Afrique vers la Libye et d’autres points de départ sur la côte libyenne ou tunisienne. Le seul périple terrestre avant d’accéder au départ est déjà souvent meurtrier.
Laisser les humains se déplacer où bon leur semble pour vivre sur leur planète relèverait de la simple humanité. Mais, pendant vingt jours, à la suite du diktat d’un ministre italien de l’Intérieur proche de l’extrême droite, avec la complicité des gouvernants européens, l’Ocean Viking sera empêché d’assurer sa mission de secours. Ils portent la responsabilité des morts à venir, qui auront voulu affronter les tempêtes hivernales sur des coquilles de noix.