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Argentine : le président “ le plus fou ”
Le 19 novembre, Javier Milei, le candidat partisan affirmé d’un capitalisme sauvage, a remporté le deuxième tour de la présidentielle argentine avec 55 % des votants. Son adversaire, le péroniste Sergio Massa, n’en obtient que 44 %.
Si on compare avec les voix du premier tour, Milei ajoute à ses 8 millions de voix les 6 millions de la candidate de droite, Patricia Bullrich, arrivée troisième au précédent scrutin. De son côté, Massa ajoute à ses 9 millions quelque 2 millions venant d’un autre candidat péroniste. À la présidentielle de 2019, le péroniste Fernandez avait été élu avec près de 13 millions de voix. Massa, ex-ministre de l’Économie du gouvernement péroniste sortant, en perd donc deux millions. Il paye les plans d’austérité imposés à la population pour faire face aux échéances des prêts du FMI et aussi une inflation galopante. Sans oublier que 9 millions d’électeurs sont restés chez eux.
Que l’électorat de droite ait rallié Milei n’est pas surprenant. Les propositions de Bullrich étaient voisines des siennes, mais sans les outrances qui ont fait son succès auprès d’une partie de l’électorat en colère contre la dégradation de la société argentine. Bullrich avait appelé ses électeurs à voter Milei, et ce dernier n’a pas été gêné par cet appel venant d’un membre éminent de la caste politicienne corrompue qu’il a dénoncée verbalement tout au long de sa campagne.
Milei, ex-économiste habitué des plateaux de télévision, devenu député il y a deux ans, a capté avec sa démagogie la colère d’une partie de la population mécontente de vivre dans un pays qui va de crise en crise. L’Argentine est prise dans les tenailles d’un prêt du FMI de 44 milliards, héritage laissé par la présidence de droite de Mauricio Macri (2016-2019), et d’une inflation approchant les 150 % l’an.
Mais il ne peut y avoir de miracle, même en donnant le pouvoir à un fou : « El loco » est en effet le surnom que Milei a acquis en brandissant pendant sa campagne une tronçonneuse destinée à couper dans l’État tout ce qui relève de la justice sociale et qu’il entend éliminer. Partisan d’un État minimal, il veut privatiser tout ce qui peut encore l’être, et mettre un terme aux allocations et aides diverses qui permettent à 51 % de la population argentine de maintenir la tête hors de l’eau, alors que 40 % d’entre elle est considérée comme pauvre.
Milei prétend gouverner sans ministre du travail, de l’environnement, de la santé, de l’éducation, des femmes... on en passe. Et il a d’ores et déjà reçu le soutien de ses modèles politiques, Donald Trump et Jair Bolsonaro. Il a parlé aussi de supprimer la Banque centrale et le peso, la monnaie nationale, « un excrément » selon lui, pour la remplacer par le dollar. Il est aussi climatosceptique, anti-avortement, partisan de la vente libre des armes et des organes ! On verra ce qu’il restera de ce programme quand il entrera en fonction en décembre prochain. Pour l’instant, les institutions parlementaires dont il a besoin pour gouverner sont plutôt aux mains des politiciens dont il prétend se passer. Que feront ces professionnels de l’opportunisme ? Choisiront-ils de s’opposer ou de se rallier, l’avenir le dira. Il semble que les multinationales étrangères et la bourgeoisie argentine auraient préféré l’autre candidat, ex-ministre de l’économie connaissant les usages, mais elles sauront certainement s’adapter, elles ont pour elles l’habileté et les moyens d’imposer leurs choix. Mais pour les classes populaires et tous ceux dont les droits sont désormais menacés, c’est une autre affaire.
Si Milei parvient à mettre fin aux quelques mesures sociales que les péronistes maintenaient en direction des classes populaires, cela entraînera pour elles une plongée supplémentaire dans la misère. Le remplacement du peso par le dollar, s’il a lieu, aura les mêmes effets.
Quant au droit à l’avortement qui fait partie de ses cibles, Milei a évoqué un référendum dont il espère qu’il le remettra en cause. Des organisations féministes ont déjà fait savoir qu’elles se mobiliseront contre cette attaque annoncée.
C’est à cela que les travailleurs, les chômeurs, les retraités doivent se préparer. Au minimum, comme ses prédécesseurs, Milei poursuivra les plans d’austérité : pas question de tronçonneuse quand il s’agit d’acquitter les traites du FMI, ce tribut impérialiste doit être honoré. Au pire, outre la remise en cause des programmes sociaux, il pourrait vouloir s’en prendre à ce qui fait la base du parti péroniste, c’est-à-dire les syndicats ouvriers, comme l’a fait une Thatcher en Grande-Bretagne dans les années 1980. Les travailleurs et les classes populaires doivent préparer leur riposte.