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Dans le monde
Allemagne : progression de l’extrême droite
En Allemagne, depuis les élections du 8 octobre, le « problème » que poseraient les réfugiés domine les informations télévisées et les débats politiciens.
Les migrants, dont patronat et gouvernement s’accordaient jusque-là à dire qu’il faudrait en accueillir chaque année entre 300 et 500 000 pour combler les besoins de main-d’œuvre, seraient devenus un problème. Ce discours traverse tous les partis, de l’AfD d’extrême droite aux partis de droite traditionnels CDU-CSU et FDP, en passant par les Verts et les sociaux-démocrates du SPD. Il a pris de l’ampleur depuis les deux élections régionales en Hesse et en Bavière, au mois d’octobre. Dans ces régions de l’ouest du pays, les trois partis membres du gouvernement fédéral, SPD, Verts et FDP, ont vu leurs résultats chuter comme jamais.
La coalition au gouvernement, dirigée par le chancelier social-démocrate Olaf Scholz, bat tous les records d’impopularité. L’augmentation des prix de l’énergie ayant entraîné le repli de certains secteurs clés de l’économie, à commencer par la chimie et le bâtiment, le gouvernement verse des milliards de subventions aux entreprises, notamment pour leur garantir des prix de l’énergie très bas, largement inférieurs à ceux payés par les particuliers. L’argent nécessaire à ces cadeaux aux grandes entreprises fait défaut à tout ce qui est utile à la population.
Les fermetures d’hôpitaux se multiplient, les crèches, les écoles ne peuvent plus tourner correctement et nombre d’infrastructures se dégradent. Avec le bas niveau des pensions et le décrochage des salaires, l’augmentation élevée des factures d’électricité atteignant de 300 à 400 euros mensuels, les conditions de vie de nombreuses familles ouvrières se sont largement dégradées. Tout cela a conduit à l’effondrement électoral des partis au pouvoir, tandis que l’AfD est sortie grande gagnante du scrutin avec 14,6 % des voix en Bavière et 18,4 % en Hesse, des résultats jamais atteints auparavant en Allemagne de l’Ouest. En moyenne, lors de ces élections, un quart des ouvriers aurait voté pour ce parti au discours toujours plus violemment anti-migrants.
Depuis cette élection, les partis de gouvernement tentent d’emboîter le pas à l’AfD et surenchérissent sur le terrain de la démagogie anti-migrants. Sous la pression de la CDU comme de l’AfD, le gouvernement a introduit des contrôles aux frontières, élargi les pouvoirs de la police pour augmenter le nombre d’expulsions. Les réfugiés sont même accusés d’être une cause de la crise du logement, alors que depuis des années les géants de l’immobilier ne construisent tout simplement pas de logements abordables.
Pour Die Linke, le parti de la gauche dite radicale, les élections du 8 octobre ont également été un revers sévère. Sahra Wagenknecht, qui fut longtemps l’égérie du parti, a annoncé qu’elle quittait le navire avec une dizaine d’autres députés de Die Linke, pour fonder un nouveau parti. Le manifeste de fondation de celui-ci contient un mélange de vagues promesses qui pourraient être empruntées au SPD et de formulations anti-migrants propres à séduire des électeurs de l’AfD.
Comme l’AfD, Wagenknecht dénonce au nom du pacifisme les sanctions contre la Russie et les livraisons d’armes à l’Ukraine, mais elle le fait en se plaçant sur un terrain nationaliste, en expliquant que cette politique nuit gravement à l’industrie allemande, reprenant ainsi l’idée qu’il y aurait, entre capitalistes et travailleurs d’Allemagne, des intérêts communs.
Elle n’hésite pas, elle non plus, à s’en prendre aux migrants en les présentant comme des concurrents des autres travailleurs, qui seraient responsables de la baisse des salaires et des prestations sociales, contribuant ainsi à crédibiliser le discours de l’AfD. Cet alignement derrière la démagogie xénophobe de l’extrême droite dédouane les capitalistes, divise les travailleurs et contribue ainsi à les désarmer.