“Valeurs de la République” : pour couvrir n’importe quoi15/11/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/11/2885.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

“Valeurs de la République” : pour couvrir n’importe quoi

Lors de la manifestation parisienne du 12 novembre, la dénonciation de l’antisémitisme se mêlait à l’invocation des « valeurs de la République ». Mais quelles sont-elles ?

Nul doute que, pour un travailleur au smic, une famille vivant du RSA et pour Bernard Arnault, roi de LVMH, ou Françoise ­Bettencourt-Meyers, reine de L’Oréal, les valeurs de la République ne résonnent pas de la même façon.

Elles doivent avoir ­aussi une drôle de résonance pour tous les travailleurs immigrés, avec ou sans papiers, qui sont à nouveau la cible de la loi sur l’immigration défendue comme une urgence absolue par Darmanin et le gouvernement, loi durcie par la majorité de droite du Sénat cinq jours avant le rassemblement « pour la République et contre l’anti­sémitisme ». ­Gérard Larcher, président Les Républicains du ­Sénat, initiateur avec Yaël Braun-Pivet, la présidente macroniste de l’Assemblée nationale, de la marche du dimanche 12, n’est pas gêné d’encourager ainsi la méfiance et la suspicion contre les étrangers, comme le fait Darmanin en puisant dans le fonds de commerce de Le Pen ou Zemmour. L’universalisme, la tolérance, l’égalité et la fraternité qu’ils invoquent sont à géographie variable pour ces gens-là.

En fait, la république bourgeoise n’a jamais été une protection pour les travailleurs, ni même une garantie pour les libertés démocratiques les plus élémentaires. La IIIe République est née sur les cadavres des ouvriers de la Commune de Paris et n’a pas été avare en fusillades contre les manifestations et les grèves ouvrières. Ce sont les institutions de la IIIe République et un vote au Parlement qui ont donné les pleins pouvoirs à Pétain à l’été 1940. La République rétablie en 1945 a blanchi la police qui avait participé à la traque des Juifs. Elle recycla les hauts fonctionnaires précédents et assura leur carrière à des politiciens comme Mitterrand, décoré de la francisque par Pétain en personne. On peut s’interroger sur « les valeurs républicaines » de Maurice Papon, sous-préfet de la région de Bordeaux sous le régime de Vichy, où il se fit complice de la déportation des Juifs. Plus tard, il fut député de 1968 à 1981 et ministre du président Giscard d’Estaing de 1978 à 1981.

Ce même Papon était préfet de police de Paris, sous de Gaulle et la toute neuve Ve République, quand des Algériens furent massacrés à Paris en octobre 1961 par sa police. Ce crime venait dans le sillage de la guerre d’Algérie, mais aussi dans celui des guerres et des massacres coloniaux perpétrés depuis la IIIe République en Afrique et en Asie.

Pour les populations du Sahel, de Libye, d’Afghanistan ou d’Irak et de Syrie où l’armée est intervenue dans les trente dernières années, les valeurs de la République française continuent à s’incarner par des bombardements, des destructions et des soldats qui se comportent en membres de troupes d’occupation. Le soutien apporté par la République française, sans réserve pendant les premières semaines après le massacre perpétré par le Hamas, au gouvernement d’extrême droite israélien dans le bombardement de la population à Gaza reste dans la tradition des guerres coloniales. L’invocation de valeurs humanistes ne peut être perçu que comme pure hypocrisie pour ceux qui sont solidaires des Palestiniens.

La référence aux préten­dues valeurs de la Répu­blique et l’injonction perma­nente à se ranger derrière elles visent surtout à faire accepter en silence les sales politiques des gouvernements français.

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