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Leur société
Pollution chimique : urgent de ne rien faire
En Europe, la réglementation limitant la production de produits chimiques nocifs pour la santé comporte bien des lacunes. Les gouvernements le savent, la Commission européenne le sait, mais ce n’est pas près de changer.
Adopté en 2006 par l’Union européenne, le règlement Reach visait à obliger dans un premier temps les entreprises à déclarer les substances chimiques qu’elles produisent au-delà de certaines quantités. Cet enregistrement d’environ 20 000 substances a pris des années de retard car le patronat ne s’y est plié que de mauvaise grâce. Les pressions de l’industrie chimique se sont encore accentuées pour éviter au maximum que, sur la base de ce recensement, la commercialisation de substances favorisant les cancers, les mutations génétiques et les problèmes de reproduction soit limitée ou interdite.
À l’échelle de l’Union européenne, au moins 300 millions de tonnes de substances chimiques sont produites chaque année, dont 74 % sont nocives pour la santé humaine ou pour l’environnement. Parmi celles-ci on trouve les perturbateurs endocriniens (phtalates, parabens, bisphénols, etc.) et les « polluants éternels » tels les Pfas. Il faudrait en plus évaluer les effets de molécules non produites directement par l’industrie mais issues de la dégradation de celles qui le sont, et les effets des combinaisons de molécules diverses auxquelles les populations sont exposées bien malgré elles. Il y a vingt ans, des tests effectués sur les parlementaires européens eux-mêmes avaient révélé que leurs organismes ne contenaient pas moins de 76 substances toxiques. Depuis, rien n’a changé, surtout pour les travailleurs de l’industrie et les habitants des quartiers populaires mitoyens des installations industrielles, qui sont certainement bien plus exposés que des députés.
Depuis un an, la Commission européenne reconnaît que la réglementation ne protège pas assez la population des produits chimiques les plus dangereux et doit être renforcée. Elle a elle-même publié une étude sur l’impact économique d’un renforcement de Reach : selon les différents scénarios, on pourrait en attendre de 11 à 31 milliards d’euros d’économies à l’échelle européenne, grâce à l’amélioration globale de la santé des populations qui en résulterait. En contrepartie, ce renforcement coûterait aux industriels de la chimie entre 900 millions et 2,7 milliards.
Pour les plus grandes entreprises du secteur, il est hors de question de se priver d’un peu de chiffre d’affaires. Les Bayer, BASF, Sanofi et Cie ont donc actionné tous leurs relais pour que la révision de Reach soit sans cesse repoussée au cours de l’année 2023, jusqu’à ce 17 octobre où elle a carrément disparu du programme de travail de l’UE pour 2024.
Tout comme dans l’affaire du glyphosate, toujours vendu par les fabricants de pesticides, qui sont aussi les industriels de la chimie, derrière les discours gouvernementaux sur la protection de la santé, la préservation des profits des plus gros capitalistes reste la seule vraie boussole des autorités.