Marins pêcheurs : dans les filets de Total04/10/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/10/2879.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Marins pêcheurs : dans les filets de Total

Le 22 septembre, le secrétaire d’État à la Mer, Hervé Bréville, a confirmé la fin au 15 octobre des aides publiques pour le carburant des bateaux de pêche. L’État y aurait dépensé 75 millions d’euros depuis seize mois, avec l’explosion des prix du gazole, offrant 20 centimes par litre avec un plafond de 300 000 euros par armement.

Les professionnels, particulièrement ceux des chalutiers, les navires qui consomment le plus, affirment que dans ces conditions ce n’est plus la peine de sortir en mer, et on peut le comprendre. En effet, ils ne pourront pas répercuter la hausse du gazole sur les prix de vente de leur pêche. Le prix de détail du poisson de ligne a déjà augmenté de 40 % en cinq ans et les ménages populaires se tournent de plus en plus, bien obligés, vers le poisson d’élevage voire suppriment carrément ce type d’alimentation. La restriction des zones de pêche dans les eaux britanniques suite au Brexit, la raréfaction de la ressource, la concurrence des énormes bateaux-usines, la multiplicité et la complexité des règlements de pêche quelle que soit leur justification, rend le métier de plus en plus ingrat.

Le gouvernement avance les mêmes solutions que ses prédécesseurs : des discussions, des commissions, un vague saupoudrage de promesses pour l’avenir et, aujourd’hui, des sorties de flotte. Cela veut dire qu’on subventionne des patrons pêcheurs pour qu’ils mettent leur bateau à la casse et licencient leur équipage. Ces sorties de flotte durent depuis 1991, au fur et à mesure que le poisson s’est fait rare sur les côtes européennes, et cela a favorisé les plus grands navires, les plus gros armateurs, les méthodes de pêche les plus industrielles, et exacerbé tous les problèmes.

Visiblement, l’avenir des petits patrons pêcheurs, des équipages et de tous ceux qui vivent de ce métier ne vaut pas plus aux yeux du gouvernement que les habituelles opérations de communication. TotalEnergies offrira un petit rabais sur le carburant vert, dès que les pompes seront aménagées, CMA CGM, l’armateur milliardaire, propose quelques sous de sa fondation aux patrons méritants ou inventifs. Le secrétaire d’État a de plus promis qu’une partie des taxes sur les éoliennes marines servirait à la transition écologique de la pêche. Mais les éoliennes en question n’existent aujourd’hui que dans son imagination. Enfin, Hervé Bréville a promis d’insister auprès des banques pour qu’elles n’étranglent pas les armateurs et les équipages.

Cinquante-huit bateaux de pêche sont partis à la casse cet automne. Les équipages licenciés devront se contenter des promesses ministérielles pour payer leurs traites et leurs factures. Quant aux 15 000 marins qui demeurent et aux dizaines de milliers de travailleurs de la filière pêche, personne ne leur demande leur avis.

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