1953 : la fin de la guerre de Corée16/08/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/08/2872.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

il y a 70 ans

1953 : la fin de la guerre de Corée

Alors qu’aujourd’hui les grandes puissances occidentales, États-Unis en tête, se servent de l’Ukraine pour mener leur guerre à la Russie, il est utile de rappeler comment, de 1950 à 1953, ces mêmes États-Unis ont fait la guerre en Corée, en se servant de sa population contre la Chine de Mao, même si à l’époque, à la différence d’aujourd’hui, plus de 100 000 GI américains l’avaient aussi payé de leur vie.

Depuis 1905, la Corée était dominée par le Japon. Cette domination avait été particulièrement féroce. Dans l’idéologie raciste de la dictature militaire japonaise, les Coréens étaient presque des sous-hommes. Symbole de cette humiliation, durant la Deuxième Guerre mondiale, l’armée japonaise avait développé un proxénétisme d’État, transformant des milliers de jeunes Coréennes en « femmes de réconfort » pour ses soldats.

L'explosion sociale à la fin de l'occupation japonaise

Quand, à la fin de la Deuxiè­me Guerre mondiale, l’administration coloniale japonaise s’effondra, ce fut une explosion sociale dans tout le pays. Les partis sortirent de la clandestinité. Des comités du peuple se créèrent, souvent à l’initiative de militants communistes mais sous la direction de dirigeants nationalistes. Et le 6 septembre 1945 une conférence nationale de ces comités fonda la République populaire de Corée.

Mais pour les États-Unis, grands vainqueurs de la guerre mondiale, il était hors de question de laisser les peuples coloniaux profiter du vide du pouvoir pour s’émanciper. Quelques mois auparavant, à la conférence de Yalta, le président américain Roosevelt, le Premier ministre britannique Churchill et le chef de la bureaucratie soviétique Staline s’étaient réparti les zones du monde où des révoltes pouvaient éclater. Staline avait offert ses services aux puissances impérialistes pour maintenir leur ordre social, espérant en retour qu’elles le laisseraient contrôler l’URSS et sa zone d’influence.

États-Unis et URSS occupent la Corée

Au moment où la République populaire de Corée fut proclamée, l’armée soviétique entra en Corée par le nord et l’armée américaine par le sud en décrétant que le 38e parallèle serait la ligne de partage entre les deux zones d’occupation. Dans la zone Sud, qui comprenait la capitale du pays, Séoul, l’armée américaine refusa de reconnaître la nouvelle république et mit en place un gouvernement à sa botte, lié aux grands propriétaires terriens et aux classes riches qui avaient collaboré avec le colonisateur japonais. Les comités du peuple furent interdits ainsi que toute organisation se réclamant du communisme.

En septembre 1946, une grande grève partie des cheminots d’une ville du Sud se répandit dans le pays. Des soulèvements eurent lieu dans les campagnes pour la réforme agraire. La répression menée par l’armée américaine et la police sud-coréenne fit un millier de morts et des dizaines de milliers de prisonniers. Mais, dans la zone Nord, l’armée de Staline refusa elle aussi de reconnaître les dirigeants des comités du peuple. Pour lui, ils étaient beaucoup trop proches de la population mobilisée, ce qui risquait de les rendre trop indépendants de Moscou. Staline choisit d’imposer comme chef d’État un jeune dirigeant du PC coréen, Kim Il-Sung, venant des maquis de Mandchourie où il avait fait la guerre contre l’armée japonaise. Mais, contrairement à ce qu’avaient fait les Américains en zone Sud, le régime du Nord organisa une réforme agraire qui le rendit populaire dans tout le pays. Et c’est sur cette base qu’il lança, en juin 1950, une offensive militaire contre le Sud pour réunifier la Corée.

La guerre entre Sud et Nord… et entre États-Unis et Chine

Les troupes nord-coréennes rencontrèrent alors peu de résistance. L’armée américaine avait en grande partie quitté le pays pour accréditer l’idée que la Corée du Sud était parfaitement indépendante. Et puis, même si une partie de la population du Sud se tenait dans l’expectative, voire était effrayée par l’arrivée des troupes du Nord, une autre partie, surtout les paysans pauvres, avait l’espoir qu’elles apporteraient la réforme agraire et un pouvoir opposé aux classes riches. En trois mois, le Sud fut en grande partie conquis.

Les États-Unis ne pouvaient tolérer que la Corée échappe à leur contrôle. D’autant que, moins d’un an plus tôt, en octobre 1949, Mao avait pris le pouvoir en Chine en renversant le dictateur qui était leur allié. Les dirigeants américains avaient opté pour une politique dite de l’endiguement : ils s’opposeraient désormais à toute velléité de pays pauvre de rejoindre le camp des pays dits communistes, URSS et désormais Chine en tête.

Sous couvert d’une intervention de l’ONU, avec la participation militaire des autres puissances occidentales, l’armée américaine organisa un débarquement en septembre 1950. En un mois, elle reprit toute la zone Sud, puis s’enfonça dans la zone Nord jusqu’à la frontière chinoise. Elle largua autant de bombes qu’elle en avait largué dans le Pacifique durant toute la guerre mondiale. À l’arrière, la police de la dictature sud-coréenne remise en selle fit le ménage : 100 000 civils furent exécutés.

Le général Mac Arthur, qui dirigeait les troupes américaines, alla jusqu’à proposer de lancer des bombes atomiques sur la Chine. Il fut relevé de ses fonctions. De son côté, la Chine, menacée, envoya des centaines de milliers d’hommes pour soutenir l’armée nord-coréenne, et le rapport des forces changea à nouveau. Les troupes américaines durent reculer jusqu’au 38e parallèle.

À partir de là, le front allait se stabiliser, sans pour autant que cessent les combats meurtriers pour tenter de reconquérir quelques mètres de terrain. Pour les dirigeants américains, il devenait évident qu’ils ne pouvaient gagner contre l’armée chinoise et reconquérir le Nord. Des négociations s’engagèrent, qui allaient durer deux ans. Jusqu’à ce qu’un armistice soit signé le 27 juillet 1953 sous la pression des États-Unis, mais sans qu’aucun traité de paix ne suive. Au total, 700 000 soldats et plus de 2 millions et demi de civils avaient été tués. Et la Corée, du nord au sud, avait été dévastée.

Un peuple divisé

Le Sud devint une des principales bases de l’armée américaine en Asie. Il reçut des investissements massifs venant des États-Unis et du Japon pour développer une industrie soumise à leurs intérêts. Une CIA coréenne, la KCIA, emprisonna et tortura en masse pour empêcher toute contestation et toute organisation indépendante d’une classe ouvrière jeune, nombreuse et combative que le développement industriel engendrait. Quant au Nord, il subit un blocus économique qui étrangla son développement. Les aspects progressistes des premières années du régime firent place à la dictature d’un clan de plus en plus restreint, n’ayant rien à voir avec le communisme et ne s’en revendiquant même pas.

La politique de l’impérialisme a ainsi empêché un peuple de prendre en main lui-même son destin et l’a divisé en deux parties dressées l’une contre l’autre, pour faire du Sud un des principaux points d’appui de sa politique dans cette région du monde. Quelques années plus tard, 320 000 soldats sud-coréens furent envoyés combattre aux côtés des troupes américaines au Viêt-Nam.

Partager