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Niger : coup d’État et calculs impérialistes
Après le coup d’État militaire du 26 juillet contre le président nigérien Mohamed Bazoun, les pays voisins de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont imposé des sanctions économiques et menacé les putschistes d’une intervention militaire.
À l’expiration de l’ultimatum, le 6 juillet, les putschistes dirigés par le général Tiani étaient toujours là, leur popularité semblant renforcée. Les dirigeants de la Cedeao, présidée par le Nigeria, pays anglophone de 220 millions d’habitants aux côtés de pays francophones dont le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, annonçaient un sommet le 10 août pour décider de leurs actions.
Derrière la Cedeao, la France, ancienne puissance coloniale, et les États-Unis pour qui le Niger est « le pivot de la stabilité du Sahel », sont à la manœuvre. Sous prétexte d’aider les pays du Sahel à traquer les djihadistes mais surtout pour défendre les intérêts de leurs industriels, comme Orano, ex-Areva, présents dans cette vaste région, ces deux pays disposent d’une base militaire au Niger.
Les troupes françaises, rapatriées au Niger après avoir été chassées du Mali puis du Burkina Faso voisins, sont haïes par la population. Présentes depuis 2013 au Sahel, elles ne sont pas plus capables d’éradiquer les bandes djihadistes que les armées régionales. Par contre, elles multiplient les bavures vis-à-vis des civils et étalent leur coûteux arsenal militaire dans un pays parmi les plus pauvres du monde. Au Niger, ces troupes ne peuvent que raviver la sinistre mémoire de l’époque coloniale où les massacres et le travail forcé ont marqué les esprits pour des générations.
L’exigence du départ des troupes françaises, formulée par le général Tiani après le putsch, a donc visiblement trouvé du soutien parmi la population, en particulier dans la capitale Niamey. Les putschistes étaient pourtant des piliers de l’appareil d’État présidé par le pro-occidental Mohamed Bazoun, aussi corrompus que leurs homologues dans la région. Tiani était le chef de la garde présidentielle, et des rivalités internes ont pu être la motivation initiale du putsch. Mais en imposant des sanctions qui frappent d’abord les classes populaires et en affirmant que les manifestants hostiles à la France étaient manipulés par Poutine, les dirigeants de la Cedeao et leurs parrains occidentaux ont permis aux putschistes d’avoir un soutien populaire.
Le Niger fournit de l’uranium aux centrales nucléaires occidentales mais importe 80 % de son électricité. En coupant ses livraisons, le Nigeria a plongé le Niger dans le noir. La Cedeao a bloqué les transactions bancaires et fermé des frontières par lesquelles transite l’essentiel des échanges. Comme toujours, ces sanctions frappent d’abord les classes populaires qui n’ont aucun moyen de les contourner, ne reçoivent plus les mandats de leurs proches et subissent les pénuries et la flambée des prix engendrées par les sanctions.
Quant aux manifestations contre la présence française, il faut tout le mépris colonial des politiciens français pour y voir la main de Moscou. Si des drapeaux russes sont apparus au Niger, si des mercenaires de Wagner sont effectivement présents au Mali et au Burkina Faso, présenter les putschistes nigériens comme des agents de la Russie est une opération politique. Au moment où les États-Unis et la Russie se font la guerre par Ukraine interposée, tous les conflits régionaux tendent à s’exacerber et à prendre leur place dans l’affrontement entre les puissances impérialistes et leurs rivaux russes ou chinois.
En poussant la Cedeao à menacer d’une intervention militaire, les dirigeants américains et français veulent obliger les dirigeants des pays voisins du Niger à se ranger dans leur camp. Si le président du Nigeria s’est porté à la tête de la coalition, le Sénat de ce pays s’est opposé à l’intervention. Quant au président de l’Algérie Tebboune, il a « catégoriquement rejeté toute intervention militaire au Niger ». Tous savent qu’une opération militaire pourrait tourner au carnage et avoir de graves conséquences dans une région ravagée par les bandes armées et où des politiciens exacerbent les divisions ethniques. Mais ce n’est pas cela qui arrête les dirigeants impérialistes.