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Dans le monde
Ukraine-Russie : une affaire de blé
La décision du Kremlin de ne pas renouveler l’accord de la mer Noire sur les exportations de céréales et d’oléagineux, accord signé il y a un an sous l’égide de l’ONU et de la Turquie, est un nouvel épisode de la guerre russo-ukrainienne.
Aussitôt, la Commission européenne a qualifié de « cynique » cette décision, elle est « inadmissible » pour Washington, Paris y voit « un chantage ». Et tout le monde des pays riches, ceux qui dominent la planète, de s’indigner que la Russie étrangle l’Ukraine en la privant des 12 à 15 % de PIB que lui procurent ses exportations céréalières. En outre, clament-ils, la Russie veut affamer les pays pauvres qu’ils disent « en voie de développement ».
Comme à chaque fois que les grandes puissances font étalage de grands sentiments, il faut chercher l’entourloupe. Ainsi, la Russie proteste que la partie de l’accord, censée lui permettre d’exporter ses engrais et céréales par la mer Noire, n’a pas fonctionné. Cela comporte sans doute une part de vérité, à l’heure des sanctions économiques occidentales contre la Russie. Et quand l’Union européenne prétend que 40 % des exportations agricoles russo-ukrainiennes allaient à des pays qui en ont un besoin urgent pour leur survie, c’est un gros mensonge.
Il sert à masquer le fait que, et le chef économiste des Chambres d’agriculture de France l’a confirmé sur FranceInfo, seuls 3 % de ces exportations sont allés à des pays pauvres, africains en particulier. En revanche, la Chine et la Turquie en ont été les principales bénéficiaires pour le blé, l’Espagne et l’Italie pour ce qui concerne le maïs. Et n’oublions pas la fronde récente des pays de l’est de l’Union européenne, secoués par les protestations de leurs paysans, furieux de voir que le blé ukrainien, produit à très bas coût, les jetait littéralement sur la paille car, au lieu de transiter par ces pays, il y était en partie vendu.
Car cette question n’oppose pas seulement des pays entre eux, mais des classes aux intérêts opposés. Le blé et le maïs ukrainiens sont produits par des paysans très mal payés, mais le bénéfice en revient aux propriétaires de la terre, aux sociétés occidentales qui en louent de très vastes étendues à bas prix, aux firmes de courtage agricole, aux spéculateurs qui font la pluie et le beau temps à la Bourse mondiale des productions agricoles à Chicago. D’ailleurs, dès la fin de l’accord annoncée, les cours du blé ont augmenté de 4,2 % et ceux du maïs de 2,5 %. Et tout ce petit monde d’annoncer que les prix alimentaires mondiaux vont encore s’envoler.
La guerre, agricole et commerciale, autour de l’Ukraine fera ainsi des millions de nouvelles victimes parmi des peuples du globe qui n’en ont jamais entendu parler, tout en faisant les affaires de la grande bourgeoisie, dont les capitalistes de l’agro-business mondial.