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Autriche : Vienne, l’envers du décor
Cet article émane des militants autrichiens qui animent le site arbeiter-innen-kampf.org
Pour la quatrième fois en cinq ans, Vienne, la capitale de l’Autriche, figure en tête du classement des villes « les plus agréables au monde pour y vivre », publié mi-juin par l’hebdomadaire britannique The Economist. Médias et politiciens se sont fait l’écho de cette « information » pour se congratuler.
Les auteurs de l’enquête auraient pris en compte de nombreux éléments, comme les services et autres équipements, ainsi que l’offre éducative et médicale – des critères qui ont valu à Vienne la note maximale. De la même manière, l’Autriche apparaît, depuis des années, dans le Top 10 des pays où l’on serait le plus heureux, où il fait bon s’expatrier, etc. On ne sait quels critères ont été utilisés, mais ce classement ne correspond certainement pas à ce que vit la population laborieuse au quotidien.
Meilleure offre médicale ? Alors que pendant la période 2019-2021 (crise du Covid) l’espérance de vie a reculé dans le pays, pour la première fois depuis la guerre, de 7,6 mois, soit six fois plus qu’en France ? Alors que l’été dernier le Wiener Gesundheitsverbund, l’organisme qui gère les hôpitaux viennois, estimait lui-même qu’il y manquait au moins 2 000 soignants ? Ou encore alors qu’a éclaté en avril dernier un scandale lorsque deux patients sont morts dans un service d’urgence, sans que personne ne s’en rende compte, tant le personnel était débordé ?
Il faut aussi citer le sort des aides à domicile 24 heures sur 24. Publié récemment par la centrale syndicale ÖGB, le livre Die Armen von Wien [Les pauvres de Vienne] révèle que 70 000 d’entre eux, indispensables pour aider les personnes âgées dépendantes, qui sont d’origine slovaque ou hongroise travaillent avec un statut d’autoentrepreneur, donc sans aucun droit pour se défendre ; et ils sont payés au lance-pierres par une agence souvent mafieuse située dans leur pays d’origine.
À propos des travailleurs, qui font tourner cette « ville magnifique », 60 % de ceux qui habitent Vienne n’ont – toujours selon l’ÖGB – pas le droit de vote car ils n’ont pas la nationalité autrichienne, même s’ils sont nés et ont étudié dans la capitale, car c’est encore le droit du sang qui s’applique.
Quant à « l’offre éducative supérieure », de nombreux jeunes des quartiers populaires de Vienne sortent de l’école sans maîtriser l’allemand. L’Autriche est un des pays d’Europe où le nombre de ceux qui ne croient pas à la science est le plus élevé.
Vienne serait aussi la ville la plus agréable à vivre pour les femmes, alors que l’Autriche est un pays où le taux de féminicides, ramené à sa population, est parmi les plus élevés d’Europe et, surtout, le seul pays européen où le nombre d’assassinats de femmes est supérieur à celui d’assassinats d’hommes, ce qui en dit long sur la violence intrafamiliale qui règne.
On pourrait multiplier les exemples qui montrent que, malgré les poncifs répétés par les médias, la crise touche aussi Vienne et l’Autriche, même si les couches favorisées peuvent y jouir d’une vie agréable, en ignorant les injustices criantes. Cette situation repose tout simplement, et comme partout, sur l’exploitation et le mépris du plus grand nombre, avec, en plus, une énorme dose de mensonge et d’ignorance des conditions d’existence de la population laborieuse.