Kosovo : affrontements nationalistes et manœuvres impérialistes07/06/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/06/2862.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Kosovo : affrontements nationalistes et manœuvres impérialistes

Au Kosovo, petit État des Balkans, limitrophe de l’Albanie et de la Serbie, à laquelle il était intégré jusqu’en 1999, des heurts ont opposé, lundi 29 mai, des manifestants serbes à la police et à des soldats de la KFOR, la force de l’OTAN déployée dans le pays, faisant 80 blessés.

Le Kosovo compte près de 1,8 million d’habitants, dont une majorité d’albanophones et une importante minorité serbe de 120 000 personnes, présente surtout dans le nord du pays. Les violences des derniers jours sont l’aboutissement d’une crise politique ouverte par la décision, en novembre 2022, du pouvoir central kosovar de ne plus reconnaître les plaques d’immatriculation serbes. La Serbie, qui n’a jamais reconnu l’indépendance du Kosovo, a alors appelé les Serbes à protester en refusant de siéger dans les institutions kosovares, puis à boycotter les élections municipales organisées en avril pour remplacer les maires démissionnaires. Cet appel ayant été très suivi, le taux de participation à ce scrutin n’a été que de 4 %. Seuls candidats, des maires albanophones ont donc été élus à la tête des quatre principales villes du nord. Lorsque, vendredi 26 mai, ils ont tenté d’entrer dans les bâtiments municipaux, ils ont été accueillis par des manifestants serbes.

Les États-Unis et l’Union européenne sont intervenus en appelant le chef du gouvernement kosovar, le nationaliste Albin Kurti, à faire preuve de modération, notamment en annulant les élections municipales contestées par les Serbes. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, et alors que la Serbie a reçu le soutien de la Russie et de la Chine, les dirigeants occidentaux ne souhaitent pas voir s’ouvrir un foyer de crise dans les Balkans. Leurs pressions diplomatiques s’accompagnent du renforcement de la présence militaire de l’OTAN, qui a annoncé l’envoi de 700 soldats supplémentaires dans le nord du Kosovo. Le Premier ministre kosovar finira peut-être par reculer, mais cela ne mettra pas un terme aux oppositions nationalistes qui n’ont jamais cessé depuis l’éclatement de la Yougoslavie dans les années 1990 et qui ont conduit à la proclamation, en 2008, de l’indépendance du Kosovo.

Formée au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale sous la direction du Parti communiste et de son chef Tito, la République fédérative de Yougoslavie avait permis à des populations entremêlées de longue date de coexister pacifiquement, grâce à un relatif équilibre des droits reconnus à chaque composante nationale.

Après la mort de Tito en 1980, le drapeau du nationalisme fut utilisé par les dirigeants qui se disputaient le pouvoir. Ils dressèrent les peuples les uns contre les autres, les entraînant dans des guerres fratricides, creusant des fossés de haine et de sang entre les habitants d’une même région, d’un même quartier. Pour asseoir leur autorité sur des territoires « purifiés ethniquement », ils se livrèrent à des massacres. Entre 1991 et 1995, la guerre fit 200 000 morts, essentiellement des civils, et plus de 4,5 millions de réfugiés et de personnes déplacées.

L’intervention des puissances impérialistes ne fit qu’aggraver la situation, car chacune d’entre elles ne cherchait qu’à tirer parti du conflit pour accroître son influence. Jouant le rôle de gendarme de l’ordre impérialiste, les États-Unis mirent fin à la guerre en imposant en 1995 les accords de Dayton, qui avalisaient les découpages ethniques imposés par les nationalistes. En 1999, l’OTAN mena une campagne de bombardements, en particulier contre la Serbie et sa capitale, Belgrade, tuant des centaines de civils, obligeant des centaines de milliers d’habitants à fuir.

Les affrontements actuels au Kosovo montrent que les interventions impérialistes, les bombardements, les envois de contingents militaires n’ont rien réglé. Dans cette région des Balkans, et au-delà dans toute l’Europe centrale, les oppositions nationalistes restent d’autant plus fortes qu’elles sont alimentées par l’aggravation de la crise économique et sociale. La guerre qui ravage l’Ukraine montre à quoi elles peuvent aboutir, et comment l’impérialisme est capable de les utiliser pour faire prévaloir ses intérêts, avec un total mépris des conséquences pour les peuples.

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