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Leur société
Eau : les prédateurs
Deux des six forages qui puisent l’eau dans les nappes phréatiques de Vittel dans les Vosges vont être arrêtés, a annoncé Nestlé, premier groupe agro-alimentaire mondial qui s’approprie cette ressource pour la mettre en bouteille sous les marques Vittel, Hépar ou Contrex.
Nestlé invoque des conditions climatiques qui se détériorent et font baisser les réserves en eau dans les sous-sols, passant sous silence sa propre responsabilité. Or, depuis son rachat des eaux de Vittel en 1992, ses prélèvements ont considérablement augmenté, au point que les nappes phréatiques, pourtant abondantes, ne parviennent plus à se renouveler et s’assèchent. Même l’été dernier, aucune limitation ne s’est imposée à Nestlé qui puise chaque jour l’équivalent de la consommation d’une ville de 40 000 habitants, alors que des arrêtés préfectoraux restreignaient l’usage de l’eau pour les particuliers. Certaines communes vosgiennes avaient dû être alimentées par camions-citernes. Un mois et demi plus tard, le préfet a signé un arrêté permettant à Nestlé de continuer ses prélèvements dans les nappes superficielles durant une nouvelle période de dix ans et neuf forages jusqu’alors illégaux ont été autorisés, pour des quantités qui dépassent très largement les besoins de Nestlé. Ceux-ci sont déterminés par sa part de marché dans la vente des eaux minérales. Or, Nestlé a perdu le marché allemand, après que Lidl a, dans ce pays, retiré les bouteilles Vittel de ses rayons.
Aujourd’hui, quand Nestlé annonce une diminution de ses forages à Vittel, il peut jouer aux victimes de l’assèchement lié au réchauffement climatique et se présenter en chevalier blanc d’un nouveau partage responsable de la ressource en eau. En réalité, il sent peut-être la source du profit se tarir et en tout cas s’adapte au marché. Il est l’un des prédateurs de cette ressource, en concurrence notamment avec Danone pour l’eau de Volvic dans le Puy-de-Dôme et avec une filiale de Coca-Cola à Lüneburg en Allemagne qui s’est lancée, elle aussi, sur le marché des eaux minérales.
Ces sociétés, qui prétendent régenter la vie locale et font du chantage à l’emploi, se heurtent malgré tout à des associations qui brisent le mur du silence. Si le pillage de l’eau pour vendre des boissons en bouteilles s’étend dans les pays pauvres, en Inde et au Mexique en particulier, les multinationales y rencontrent aussi des résistances de la population. Leur expropriation s’impose comme une mesure de bon sens, car comment accepter qu’une ressource aussi précieuse puisse être accaparée pour faire du profit ?