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Grande-Bretagne : “un futur plus radieux” pour les actionnaires de British Telecom
Onze mille suppressions d’emplois annoncées le 16 mai chez Vodafone, 55 000 annoncées le 18 chez British Telecom (BT) : le patronat des télécommunications est à l’offensive contre les travailleurs du secteur, pour augmenter encore les dividendes versés aux actionnaires.
Le groupe BT, issu de la privatisation des services téléphoniques entre 1981 et 1984, emploie 130 000 salariés : 80 000 en Grande-Bretagne, 20 000 ailleurs dans le monde, et 30 000 dans la sous-traitance. D’ici à 2030, c’est donc plus de 40 % de ses salariés que BT compte jeter par-dessus bord. L’annonce est d’autant plus choquante que l’entreprise se porte bien : en 2022-2023, elle a réalisé près de 2 milliards d’euros de profits ; elle a largement devancé ses concurrents Vodafone et Orange. Derrière les belles phrases sur la nécessité d’« améliorer la productivité » pour assurer à l’entreprise « un futur plus radieux », le but des compressions d’effectifs est à peine voilé : faire assurer toujours plus de services par de moins en moins de salariés, afin qu’un minimum de l’argent récolté revienne aux salaires, et qu’un maximum aille aux dividendes.
Pas gêné, le directeur de BT, Philip Jansen, présente cette offensive majeure, décidée froidement par un cercle restreint d’individus tout dévoués aux grands actionnaires, comme une évolution indolore qui résulterait des lois naturelles de l’économie. À l’écouter, rien de plus normal que de priver des dizaines de milliers de travailleurs de leur gagne-pain puisque, avec le passage du cuivre à la fibre optique, il y aurait besoin de moins d’ingénieurs et de techniciens, et qu’avec l’envol de l’intelligence artificielle, bien des tâches seraient bientôt réalisables par des ordinateurs plutôt que par des humains.
Pourtant, ne lui en déplaise, tous les emplois ne sont pas remplaçables, en particulier dans ce secteur des opérateurs mobiles, où il est souvent si difficile d’avoir affaire à une personne plutôt qu’à un message préenregistré pour régler un problème ! Surtout, même si le rôle de l’IA est amené à grandir dans les télécommunications comme ailleurs, l’annonce de coupes claires dans les effectifs de BT résume la folie du capitalisme. Alors que chaque progrès technique devrait être l’occasion de réduire pour tous le temps passé au travail et d’augmenter le temps libre, ce système transforme chaque percée scientifique en catastrophe sociale. D’un côté, des travailleurs sont pressés comme des citrons, épuisés par l’exploitation ; de l’autre, des travailleurs sont laissés sur le carreau, usés par le chômage. C’était la logique du capitalisme aux premiers temps de la révolution industrielle, et elle régente toujours la vie sociale deux siècles et demi plus tard, parce que les intérêts d’une minorité de milliardaires continuent de primer sur ceux de la collectivité.
Au lendemain de l’annonce par BT de son plan de bataille contre les salariés, les dirigeants de Prospect, le syndicat des cadres, se sont contentés d’exprimer leur inquiétude et de demander plus de détails sur le plan. Quant au CWU, qui organise les travailleurs des télécommunications et du courrier, il a déclaré ne pas être surpris par l’annonce, arguant que les mutations technologiques rendent inévitables les compressions d’emplois – un vrai copier-coller du discours patronal. Dans son communiqué, ce syndicat a prié la direction de BT de ne pas procéder à trop de licenciements secs, de privilégier les non-remplacements de départs en retraite... et de réaliser les coupes de préférence chez les sous-traitants ! Avec des avocats pareils, la classe ouvrière n’a pas besoin de procureurs. Pour défendre leurs emplois, les travailleurs de BT ne devront compter que sur leurs propres mobilisations et les diriger eux-mêmes.