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Espagne : la droite progresse sur le discrédit de la gauche
Dimanche 28 mai, après une déroute sévère aux élections municipales et régionales dans quatorze communautés autonomes sur dix-sept, le gouvernement de gauche espagnol a décidé d’avancer au 23 juillet les législatives initialement prévues pour l’automne.
Le principal parti du gouvernement, le Parti socialiste (PSOE), a perdu plus de 400 000 voix à l’échelle nationale. Son allié Podemos, le parti de Pablo Iglesias, disparaît des conseils municipaux de Madrid et Valence, respectivement capitale et troisième ville du pays, et de cinq gouvernements régionaux qu’il partageait avec les socialistes. La droite remonte, avec plus de sept cent mille voix d’avance pour le Parti populaire (PP), qui ne retrouve toutefois pas ses niveaux historiques de 2011. C’est donc bien la dégringolade des résultats de la gauche qui met la droite en position de force et va lui permettre de gouverner dans presque toutes les régions, à condition de trouver des alliances avec le parti d’extrême droite Vox, qui continue à progresser.
Face à la débâcle, le chef du gouvernement, le socialiste Pedro Sanchez, a annoncé mardi 30 mai des élections législatives anticipées. Bien que les multiples alliances et recompositions de la « gauche de la gauche » compliquent les comparaisons, il est évident que Podemos paie tout autant que le PSOE ses quatre ans passés au gouvernement. Au cours de ces quatre années, les classes populaires, frappées par la crise économique aggravée par la pandémie, ont attendu en vain que la gauche apporte les solutions miracle promises. Le « gouvernement le plus progressiste de l’histoire » n’a pas résolu la crise du logement, qui a encore empiré après l’éclatement de la bulle immobilière en 2008, malgré la promesse de quelques dizaines de milliers de logements sociaux en plus. Il n’a pas empêché la baisse des salaires réels mangés par l’inflation, malgré une revalorisation du salaire minimum annoncée en fanfare. Quant à la précarisation du travail, l’invention d’un nouveau CDI au rabais a fait monter le nombre d’embauchés en fixe, mais sans pour autant les protéger de la précarité.
Comble de l’hypocrisie, le « dialogue social » a récemment permis de trouver un accord entre syndicats et gouvernement sur les retraites… sans remettre en cause le report de l’âge légal à 67 ans, et même en accélérant son application. Enfin, beaucoup d’anciens électeurs de Podemos, s’ils n’avaient pas beaucoup d’illusions sur l’amélioration de leur sort, espéraient tout de même une abrogation des mesures répressives adoptées par la droite contre le mouvement des Indignés de 2011, la fameuse Ley Mordaza (la « loi bâillon »). Ils en ont été pour leurs frais.
La déception aura fait s’abstenir beaucoup d’électeurs de gauche. Pourtant, le gouvernement de Pedro Sanchez n’a fait que son travail en alignant des milliards pour le patronat pendant la pandémie, en augmentant considérablement le budget militaire pour participer au réarmement général, et en envoyant les blindés de la police contre les métallos en grève à Cadix, en 2021. Son travail est bien de démobiliser les classes populaires et les travailleurs en se présentant comme l’aboutissement de leurs luttes, puis de leur faire avaler des pilules de plus en plus amères, au moment où la droite était discréditée par des affaires de corruption.
La gauche de gouvernement, social-démocrate ou « radicale », le paie d’une claque électorale. Pour les travailleurs, aux conséquences de cette politique va désormais s’ajouter l’arrogance retrouvée d’une droite renforcée appuyée sur une extrême droite nostalgique du franquisme. Face à un patronat à l’offensive, ils ne devront compter que sur leur combativité et leur conscience de classe, et certainement pas sur les politiciens paniqués qui proposent, avec une nouvelle union de la gauche, de remettre une pièce dans la machine à illusions.