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Dans le monde
Turquie : Erdogan en difficulté
En Turquie, à l’approche des élections présidentielle et législatives du 14 mai, Erdogan et son équipe gouvernementale ont bien des raisons d’être inquiets pour leur pouvoir. Depuis que la crise économique bat son plein, la situation ne cesse de s’aggraver pour les classes populaires et elles pourraient le leur faire sentir.
De surcroît, le violent tremblement de terre de février dernier, qui a touché le sud-ouest du pays et le nord de la Syrie, a fait 52 000 morts avérés et plus de 100 000 blessés, affectant profondément les treize millions d’habitants de la région et bien au-delà. D’innombrables habitations, bâtiments publics et entreprises sont détruits ou condamnés.
L’attitude du président turc lors du drame, son peu de réactivité et même d’empathie, l’abandon total dans lequel se sont trouvées les victimes, réduites à la seule solidarité des voisins bénévoles et des familles, tout a contribué à dégrader un peu plus l’image d’Erdodan et de sa clique de l’AKP et à miner son crédit dans la population. Les sondages les donnent perdants aux élections du 14 mai.
Pourtant, avec son Alliance républicaine (Cumhur Ittifaki), Erdogan assure tout faire pour éviter la catastrophe, en s’agitant dans une campagne intensive. Mais, fragilisé depuis plusieurs années par des problèmes de santé, le président a eu un malaise le 25 avril lors d’une émission de télévision diffusée en direct, obligeant les journalistes à arrêter l’interview. Il a même dû annuler ses apparitions publiques durant les quatre jours suivants.
Erdogan n’a donc pas pu assister, le 27 avril, à l’inauguration très attendue de la première centrale nucléaire de Turquie, construite avec l’aide de la Russie. Erdogan avait prévu d’en faire un grand show en présence de Poutine, mais il a finalement dû se contenter d’une visioconférence, où il apparaissait blême, les traits tirés, assis derrière un bureau.
Depuis, Erdogan a repris ses apparitions publiques et le ministre de la Santé certifie que, à 69 ans, il n’a pas de problèmes de santé trop graves. Contrairement à ce que certains prétendent, il ne souffrirait pas d’un cancer du côlon mais simplement d’un virus intestinal. On pouvait cependant se demander si, plusieurs fois victime de malaises en public et à l’écran, Erdogan tiendrait vraiment jusqu’à la fin de la campagne électorale, et si même, en cas de réélection, sa santé lui laissera un délai.
Quoi qu’il en soit, l’ambiance de décomposition s’étend autour d’Erdogan et de son parti l’AKP. Par peur d’avoir à rendre des comptes en cas de perte des élections, le ministre de l’Intérieur Soylu a menacé publiquement d’un coup d’État en cas de victoire de l’opposition, donnant aux policiers et gendarmes ordre, après avoir voté, de se tenir « prêts à intervenir ». La répression n’a pas attendu les élections pour s’abattre, le 25 avril, sur la ville majoritairement kurde de Diyarbakir où plus de 150 personnes ont été arrêtées, accusées comme d’habitude de terrorisme. Parmi elles figurent des avocats, des responsables des partis d’opposition susceptibles de contrôler le déroulement des votes et d’empêcher que les partisans d’Erdogan bourrent les urnes, selon leur coutume de ces dernières années.
De son côté, le parti pro-kurde HDP a décidé de ne pas présenter de candidat le 14 mai, afin de ne pas faire obstacle à Kemal Kiliçdaroglu, principal opposant à Erdogan. Le député du HDP Selahattin Demirtas, incarcéré depuis 2016 mais ancien candidat à la présidentielle de 2018, était alors arrivé troisième avec plus de 8 % des voix, un pourcentage susceptible de faire la différence. Mais il est certain que Kiliçdaroglu, représentant d’une alliance où son parti social-démocrate et nombre de partis de droite se sont confondus, ne représente aucune véritable alternative pour les travailleurs de Turquie. Face à la crise qu’ils subissent, ils ne devront faire confiance qu’à leur capacité de lutte.
Il reste que, vu le discrédit qui le frappe dans la population, y compris parmi ses anciens électeurs, Erdogan et son alliance Cumhur Ittifaki sont loin de pouvoir envisager une victoire électorale sans trucage. Il est vrai que les vagues d’arrestations lancées parmi leurs opposants en font déjà partie.