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Leur société
Sûreté nucléaire : les salariés contre le projet gouvernemental
Le 13 mars, pour la troisième fois en un mois, plusieurs centaines de salariés de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur près de 1 800 ont manifesté contre le projet du gouvernement de fusionner leur établissement avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Le gouvernement veut construire des centrales nucléaires, et rapidement. Il a donc décidé d’avoir les coudées franches. Maniant comme à l’accoutumée la langue de bois, assurant « renforcer les compétences » et « augmenter les synergies », le communiqué du ministère de la Transition énergétique est clair : il s’agit de « fluidifier les processus d’examen technique et de prise de décision de l’ASN pour répondre au volume croissant d’activités lié à la relance de la filière nucléaire souhaitée par le Gouvernement ». Les choses sont dites : au moment où Macron annonce la relance du nucléaire, les experts de l’IRSN ne sont pas les bienvenus, du fait de leurs analyses détaillées, de leurs avis précautionneux et de la relative indépendance de leur organisme.
L’IRSN fonctionne, à près de 25 %, avec des crédits provenant des exploitants nucléaires – EDF, Orano ex-Areva ou l’Andra (gestion des déchets radioactifs) –, le reste étant essentiellement constitué de subventions publiques. Mais il est probable que la structure de l’ASN, chapeautée par cinq commissaires nommés par décret, dont trois directement sous l’autorité du président de la République, assure plus facilement à ce dernier l’adhésion souhaitée. Selon un représentant CGT de l’IRSN, la « fusion est un retour 25 ans en arrière » pour les salariés qui craignent « une pression pour rendre des avis techniques qui ne seraient plus adaptés à ce que voudrait l’Autorité […] voire l’exploitant ». Au moment où le gouvernement envisage sérieusement de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires vieillissantes, c’est loin d’être anodin.
Une chargée de mission a cité l’exemple d’un réacteur mis à l’arrêt par EDF pour cause de corrosions sous contrainte. L’avis de l’IRSN était de ne pas le redémarrer sans avoir réparé les fissures, les conditions de sûreté n’étant pas garanties. Elle redoutait d’être à l’avenir forcée de taire sa position, ajoutant « c’est un accident nucléaire qu’on peut craindre ». C’est d’ailleurs à la suite d’avis de l’IRSN qu’une partie du parc nucléaire a été mis à l’arrêt. Les incidents se multiplient, vu l’âge des réacteurs, y compris dans des installations relativement récentes comme la centrale de Penly. La politique d’économies des exploitants, comme le projet gouvernemental, ont toutes les raisons d’inquiéter les salariés chargés de la sûreté des installations, et, partant, de la population. Ils peuvent également craindre, avec ce projet de fusion de l’IRSN et de l’ASN, des risques pour la sécurité publique, mais aussi de suppressions d’emplois.