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Paris 2024 : populaires, les Jeux ?
« Nous sommes en passe de réussir », a fanfaronné Emmanuel Macron à propos des Jeux olympiques de Paris 2024. Le 14 mars, à 500 jours du coup d’envoi, il a reçu à déjeuner les responsables de la trentaine d’entreprises partenaires et a fait un point d’étape. Pour un pouvoir en difficulté sur la réforme des retraites, ce non-événement, complaisamment relayé par les médias, tombait à pic.
Partout dans le monde, les populations sont de plus en plus réticentes voire hostiles à l’organisation chez elles de JO et à la gabegie d’argent public qu’ils représentent, alors que tant de besoins essentiels ne sont pas satisfaits. Les JO sont des mannes pour les entreprises du BTP, de l’hôtellerie, de la restauration, de la sécurité, de l’informatique, etc. Et ce sont les collectivités locales et les États, et donc les contribuables, qui paient la facture. Aussi, pour faire accepter les JO de Paris au public, le gouvernement et la mairie les ont vendus comme « populaires », « pour tous », « écologiques », et surtout « bon marché ».
Ces dernières semaines, ce conte de fées a commencé à être écorné lors de la vente d’un tiers des 10,5 millions de billets. Le Comité d’organisation (COJO) avait vanté la vente de places à 24 euros, en réalité, moins de 10 % du total des billets. Comme les acheteurs en ont fait l’expérience, pour assister à une compétition de judo ou d’escrime, mieux valait compter 100 euros. Pour une épreuve de gymnastique, un journaliste de Ouest-France n’a pas trouvé de place à moins de 260 euros ; et pour l’athlétisme, il fallait en compter 690. Sur les réseaux sociaux et dans la presse, les témoignages se multiplient, sur des paniers dépassant les 600 euros pour un couple et 1 500 euros pour une famille, sans compter les frais de transport et d’hébergement. Des places à 24 euros existaient bien, pour l’aviron, le marathon et la marche – des épreuves lors desquelles le spectateur ne voit pas grand-chose, sauf à rester devant son poste de télévision.
C’est qu’il faut que la billetterie rapporte. Toutes les éditions précédentes des JO ont explosé les budgets prévisionnels, et Paris 2024 ne devrait pas faire exception. De vastes équipements sont en construction. Le COJO insiste sur le fait que, à l’instar du village olympique des athlètes, censé devenir ensuite un quartier d’habitation entre Saint-Denis et Saint-Ouen, tous les équipements seront utiles après les JO pour les populations locales. On peut être sceptique.
Par exemple, un centre aquatique olympique est construit à Saint-Denis, pour accueillir les épreuves de water-polo, de plongeon et de natation artistique. Il s’agit d’un immense bâtiment de 30 mètres de haut, face au Stade de France. Il va coûter au bas mot 174 millions d’euros, soit l’équivalent d’une douzaine de piscines municipales. Les enfants et les habitants de la commune et du département pourront-ils l’utiliser après les JO ? À quel prix ? Les choses ne sont pas claires. Pourtant, à Saint-Denis, 72 groupes scolaires doivent aujourd’hui se partager une seule piscine. La Seine-Saint-Denis ne compte que 36 bassins pour 1,6 million d’habitants et il n’est pas étonnant que la moitié des enfants ne savent pas nager quand ils arrivent au collège. Plus généralement, en France, plus d’un tiers des 300 000 équipements sportifs ont au moins 40 ans, et c’est le cas de 62 % des piscines publiques.
Alors, pour le « sport pour tous », il faudra patienter : les quelque 5 milliards que vont coûter ces Jeux iront d’abord au sport business, et même au business tout court.