Néonicotinoïdes : les capitalistes du sucre à la manœuvre15/02/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/02/2846.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Néonicotinoïdes : les capitalistes du sucre à la manœuvre

Le 8 février, un millier de producteurs de betteraves à sucre sont montés à Paris en tracteur pour protester contre l’interdiction totale des néonicotinoïdes, des insecticides particulièrement toxiques pour les insectes pollinisateurs, la faune du sol et même la santé humaine.

Jusque-là, alors que des interdictions concernant les néonicotinoïdes se succèdent depuis le début des années 2000 en Europe, et qu’ils sont même totalement interdits depuis 2018, les producteurs de betteraves ont bénéficié de dérogations accordées par l’État français, qui leur permettaient d’utiliser des semences enrobées de ces insecticides.

Le prétexte invoqué était que les néonicotinoïdes représentaient la seule solution pour protéger leurs cultures contre la jaunisse, une grave maladie de la betterave transmise par les pucerons, qui peut diminuer fortement les rendements, comme ce fut le cas en 2020.

Il existe en fait des alternatives aux néonicotinoïdes, comme l’utilisation d’autres insecticides, moins efficaces mais moins dangereux, ou bien la pratique de techniques culturales différentes, mais elles ne garantissent pas d’obtenir des rendements maximums chaque année. C’est là que le bât blesse car, pour les producteurs de betteraves à sucre, des rendements élevés chaque année permettent de compenser les bas prix auxquels ils vendent leur production.

En effet ces agriculteurs sont complètement inféodés aux groupes de l’industrie du sucre, comme le groupe coopératif ­Tereos – qui n’a de coopératif que le nom –, qui achète les betteraves à sucre à 12 000 agriculteurs adhérents en France, en assure la transformation en sucre, amidon ou éthanol, intervient dans le monde entier et vient de réaliser plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Depuis la fin de la réglementation du secteur sucrier en Europe, survenue en 2017, les tarifs proposés par les industriels aux producteurs ne sont plus garantis par les États. Les capitalistes peuvent ainsi mettre en concurrence les betteraviers européens avec les agriculteurs du reste du monde (Brésil, Inde…) et pousser les prix à la baisse. Si la production européenne de la betterave est actuellement en crise, c’est du fait de la rapacité des industriels sucriers, et ce n’est pas l’utilisation de tel ou tel insecticide qui résoudra le problème.

Le gouvernement semble pour le moment ne pas vouloir revenir sur sa décision d’appliquer l’interdiction des nicotinoïdes à la betterave à sucre. Mais il n’en a pas pour autant terminé avec sa politique d’aide aux betteraviers, qui finit immanquablement par bénéficier aux capitalistes du secteur. Le lendemain de la manifestation, il a annoncé que toutes leurs pertes seront indemnisées si la jaunisse frappe en 2023, une réactivité immédiatement saluée par le groupe Tereos.

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