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Leur société
49.3 et motions de censure : beaucoup de bruit pour pas grand-chose
Mercredi 19 et jeudi 20 octobre, par deux fois la Première ministre Élisabeth Borne a recouru au 49.3, pour imposer la première partie du projet de loi de finance de 2023 et la partie recettes du budget de la Sécurité sociale.
N’ayant pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale, le gouvernement utilise ce dispositif constitutionnel pour passer au-dessus des discussions parlementaires et des amendements de l’opposition et obtenir que ses budgets soient votés et donc validés.
Que cela apparaisse comme autoritaire et bien peu respectueux du débat parlementaire est indéniable. Même si la protestation des politiciens comporte une bonne dose d’hypocrisie, car ils savent tous que le 49.3 est tout à fait dans l’esprit de la Constitution de la Ve République.
Ce système se prétend démocratique parce que des notables peuvent pérorer au Parlement. Ce dernier ne peut cependant donner son avis que tant qu’il ne gêne pas trop le gouvernement et ne l’empêche pas de gouverner.
La Constitution de la Ve République se voulait capable de combattre l’instabilité parlementaire, qui avait gêné le pouvoir pour régler les affaires économiques et politiques dans les années 1950, particulièrement la guerre d’Algérie.
Le même problème, en moins aigu pour l’instant, se pose au gouvernement aujourd’hui. Macron n’a plus la majorité au Parlement et pourrait se retrouver à la merci d’une motion de censure menant à de nouvelles élections. Or, pour les capitalistes, le gouvernement doit pouvoir agir en leur faveur avec le maximum de célérité et d’efficacité, sans avoir à s’embarrasser des états d’âme du petit personnel politique.
Si la bourgeoisie s’inquiète de l’instabilité politique, débutante en France et caricaturale en Grande Bretagne, ce n’est évidemment pas qu’elle s’émeut que les classes populaires soient écœurées et ne votent plus. Au contraire, elle a toujours été favorable à une forme de vote censitaire officiel ou officieux. C’est la politique en faveur du grand patronat de tous les gouvernements successifs qui a engendré l’écœurement des classes populaires par rapport au jeu électoral. Au point que le dégoût des partis politiques traditionnels débouche sur une situation rebattant les cartes du cirque électoral, impose plus de recours au 49.3, de nouvelles alliances parlementaires, voire, si cela ne suffit pas, une refonte de la Constitution.
Mais la Constitution de la Ve République semble pour l’instant suffisamment bien ficelée pour empêcher le blocage complet. Les motions de censure n’ont pas obtenu la majorité des votes et les deux projets de loi ont été adoptés. De toute façon, le dépôt par le RN et la Nupes de motions de censure fait partie du cinéma parlementaire. Ces deux partis ont joué leur jeu, qui consiste à se positionner comme les principaux opposants à Macron. En votant la motion de la Nupes, le RN a en plus mis dans l’embarras la droite, qui apparaît désormais comme faisant partie de la majorité de Macron et même comme son ultime béquille. D’ailleurs, que Sarkozy propose à la droite de soutenir franchement Macron, c’est une façon de sortir ce dernier de ces embarras parlementaires et surtout d’offrir des garanties de stabilité politique au grand patronat.
Toutes ces péripéties parlementaires ne concernent en rien les intérêts des travailleurs. Il est particulièrement illusoire de compter sur le Parlement pour empêcher les attaques contre les travailleurs prévues dans les deux projets de budget.
En 2005, lorsque le gouvernement de Dominique de Villepin utilisa le 49.3 pour imposer le CPE (contrat premier embauche), c’est la mobilisation massive de la jeunesse et des travailleurs qui signa la mort de ce contrat précaire, en forçant le gouvernement à l’abroger, alors qu’il avait réussi à le faire adopter par les députés.
Alors, si les travailleurs veulent voir leurs salaires augmenter et leurs conditions de vie s’améliorer, c’est sur leurs mobilisations qu’ils doivent compter, et non sur le Parlement.