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Dans le monde
Iran : la colère contre le régime
Les manifestations contre la police des mœurs et le port obligatoire du voile par toutes les femmes dès l’âge de 7 ans, démarrées après la mort de Mahsa Amini au commissariat, se sont transformées en contestation du régime iranien.
Malgré les milliers d’arrestations et plus d’une centaine de morts (92 répertoriées au 2 octobre par l’association Iran Human Rights), le mouvement est entré dans sa troisième semaine. Des manifestations et des affrontements avec la police se poursuivent dans la plupart des grandes villes du pays. À l’initiative d’étudiants, souvent avec le soutien des enseignants, plusieurs universités du pays ont suspendu les cours. À Téhéran, Ispahan, Tabriz et dans une dizaine d’autres villes, les contestataires ont occupé les locaux universitaires, reprenant un des slogans populaires du mouvement « Femme, vie, liberté » mais aussi « Les étudiants préfèrent la mort à l’humiliation ». À l’université scientifique Sharif de Téhéran, la police antiémeute est venue les déloger manu militari, avant de les embarquer en garde à vue.
Il est difficile, de loin, d’apprécier les sentiments des millions d’exploités, qui subissent eux-mêmes les pénuries, l’inflation, la crise et la corruption du pouvoir, à l’égard de cette révolte partie de la jeunesse. En tout cas, elle semble susciter une large sympathie dans les milieux de la petite bourgeoisie. Diverses personnalités, sportives comme les footballeurs de l’équipe nationale, ou culturelles, ont marqué leur soutien à la contestation. De nombreux lieux culturels restent fermés en signe de protestation. Si elles sont souvent symboliques, les marques de soutien affichées par des personnalités jusque-là loyales au régime engendrent des risques. Ainsi un ancien animateur de la télévision publique a été arrêté, accusé d’encourager les émeutes et de solidarité avec l’ennemi.
Comme en 2017 ou en 2019, comme lors de chaque contestation qui le menace, le régime des ayatollahs essaie d’opposer les intérêts nationaux du pays aux manifestants et accuse les puissances occidentales d’être à la manœuvre. Ainsi, le 3 octobre, l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la République islamique d’Iran, conspué par les manifestants qui scandent « Mort au dictateur », s’est exprimé pour la première fois en déclarant : « Ces émeutes et l’insécurité sont l’œuvre des États-Unis et du régime sioniste. »
La réalité est que les gouvernements américain, israélien, comme ceux des pays européens se font surtout remarquer par leur silence. À part quelques critiques bien diplomatiques, l’attitude de Biden ou Macron face à la dictature brutale de Khamenei est mesurée quand celle-ci a maille à partir avec son propre peuple. Si, depuis des décennies, les puissances occidentales cherchent à affaiblir le régime des mollahs, arrivé au pouvoir en renversant la monarchie pro-américaine du shah, elles ne souhaitent pas qu’il soit renversé par une révolution populaire. Même s’il est moins docile à l’impérialisme que l’Arabie saoudite ou Israël, le régime iranien joue lui aussi le rôle de gendarme au Moyen-Orient et son renversement serait un facteur d’instabilité. Au fond, Biden ou Macron ne sont pas plus gênés par la brutalité de l’iranien Khamenei que par celle du saoudien Mohamed ben Salman.