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Leur société
Mayotte : les élus emboîtent le pas à Darmanin
Le 15 septembre était une journée « île morte » à Mayotte. Les administrations locales et les établissements scolaires du premier degré ainsi que les dispensaires étaient fermés ; les interventions médicales en ambulatoire étaient annulées au Centre hospitalier.
C’est l’Association des maires de l’île qui était à l’initiative de cette action, pour « mettre l’État face à ses responsabilités devant les violences ». Le recteur de Mayotte avait réagi, voyant là « une punition collective privant les enfants d’une journée d’éducation simplement parce qu’une poignée de délinquants, qui est à punir sévèrement, sévit sur les routes ».
Après cette journée de paralysie, qui n’a affecté ni les entreprises du privé ni l’activité portuaire, l’Association des maires a fait savoir dans un communiqué que de « nouvelles formes d’action », comme « la répression des marchands de sommeil, l’expulsion des occupants illégaux, etc. », allaient être mises en place.
Les élus réclament de l’État « des mesures concrètes et mesurables » contre l’immigration dite clandestine, accusée d’être la cause de l’insécurité dans l’île. Sans doute considèrent-ils que les mesures annoncées par le ministre Gérald Darmanin, ayant arboré la double casquette de l’Intérieur et de l’Outremer lors de sa venue à Mayotte au mois d’août, ne sont pas assez efficaces.
Pourtant, Darmanin a promis de frapper fort dans tous les sens du terme. En effet, il veut réduire « drastiquement » le droit du sol, « lutter contre l’attractivité sociale et administrative du territoire », « offrir un lieu de sanction et d’éducation » aux enfants que la loi ne permet pas de garder en prison. Il veut aussi « étudier la possibilité d’utiliser des armes intermédiaires » lors des émeutes car la police n’a « pas la possibilité de tirer à balle réelle » comme pour les adultes. Darmanin veut accentuer la chasse aux Comoriens, en particulier les Anjouanais, qui fuient la misère dans leur pays pour gagner Mayotte, en espérant y vivre un peu mieux.
Darmanin se réjouit du fait que, depuis 2017, le gouvernement Macron a augmenté le nombre de policiers et gendarmes de 50 %, multiplié par trois les bateaux intercepteurs des kwassa-kwass, les barques de migrants, et qu’un avion assure une surveillance quotidienne du territoire. Ces forces de répression sont consacrées à traquer les pauvres, y compris les enfants, accusés d’être à l’origine de violences et de troubles à Mayotte.
Comme leurs prédécesseurs, Macron et son ministre prennent les Comoriens comme boucs émissaires afin de dévoyer la colère des Mahorais qui vivent dans le département le plus pauvre de France. Le chômage sévit, les habitations des travailleurs sont des bidonvilles, l’eau potable est un luxe, l’unique hôpital de la capitale, Mamoudzou, et la maternité n’arrivent pas à faire face à l’afflux des patients. Les écoles manquent à tel point que les cours se font par alternance le matin et l’après-midi pour tenter d’accueillir tous les élèves.
Les classes populaires des Comores et de Mayotte sont les unes autant que les autres victimes de la politique de l’État français. Celui-ci a maintenu volontairement toutes les îles de cet archipel dans un état de sous-développement en y maintenant l’ordre par la force, uniquement pour s’assurer le contrôle du canal de Mozambique.
Les Comores ont connu une vingtaine de coups d’État entre 1975 et 2001. Par sa politique, la France a contribué à y instaurer une dictature qui s’exerce contre la population pauvre. Elle a attisé les tensions et la haine entre des peuples frères pour le plus grand profit des exploiteurs et de l’extrême droite à Mayotte.
Aujourd’hui, les élus locaux soufflent eux aussi sur les braises d’un foyer explosif d’inégalité et de misère dont les gouvernements successifs sont entièrement responsables.