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Liban : deux ans après l’explosion du port
Deux ans après l’explosion du dépôt de nitrate d’ammonium qui a balayé le port de Beyrouth et une partie de la ville le 4 août 2020, une partie des bâtiments restants s’est effondrée.
En cet anniversaire, la population peut mesurer les conséquences dramatiques non seulement de l’explosion, mais de la crise.
Les produits dangereux qui en explosant ont fait 215 morts et plusieurs milliers de blessés, détruisant une partie de la ville, n’avaient pu rester stockés là que par suite de la négligence et de la corruption d’une partie des services de l’État. L’explosion a aggravé la crise financière et économique qui frappe le pays depuis 2019.
Victime du jeu des spéculateurs financiers qui, pendant des années, se sont enrichis en creusant la dette de l’État, la livre libanaise a perdu, depuis trois ans, vingt fois sa valeur face au dollar. Les prix de la plupart des produits se sont envolés, plongeant dans la misère la majorité des travailleurs dont les salaires et les pensions sont restés presque à leur montant de 2019.
On estime que 74 % de la population est désormais sous le seuil de pauvreté. Certains n’arrivent à garder la tête hors de l’eau que grâce à l’aide financière de leurs proches à l’étranger, ou parce qu’ils font partie de la minorité qui, travaillant pour des sociétés étrangères ou des ONG, est payée en dollars. Mais l’effet pervers de cet afflux de dollars est que de plus en plus de commerçants et de secteurs alignent leurs prix sur le cours du dollar. Les plus pauvres sont ainsi de plus en plus privés de tout.
La viande, dont le prix a été multiplié par dix, est devenue un luxe. Le prix d’un plein d’essence dépassant désormais le salaire minimum légal, ceux qui ont encore un travail et une voiture doivent renoncer à celle-ci, ou au mieux chercher à regrouper leurs horaires sur quatre, voire trois jours, pour limiter les frais de transport.
Aux augmentations de prix s’ajoutent les pénuries de produits divers, allant des médicaments jusqu’au pain, conséquence du jeu des spéculateurs. Depuis des mois, les lobbys de la farine et des boulangeries organisent régulièrement des pénuries, pour pousser le gouvernement à revoir la tarification du pain à la hausse. La spéculation mondiale sur le blé, depuis le début de la guerre en Ukraine, dont le Liban était un important client, a aggravé le phénomène.
Avoir de l’électricité est devenu un luxe. Le manque de carburant fait que les centrales électriques du pays ne fournissent plus que deux ou trois heures de courant par jour. Avec les chaleurs de l’été, la seule possibilité pour faire fonctionner les ventilateurs et le réfrigérateur est de recourir à l’électricité fournie par le lobby des générateurs privés, qui facture la fourniture mensuelle à une famille au prix d’un salaire d’enseignant.
Depuis longtemps, beaucoup ont fait une croix sur les aliments frais et consomment essentiellement du pain et des céréales, pour autant qu’il en arrive. Dans un pays qui connaissait un niveau de vie relativement élevé pour la région, cette descente aux enfers semble ne pas devoir finir.