- Accueil
- Lutte ouvrière n°2811
- Ce qui comptera, c’est la lutte de classe
Editorial
Ce qui comptera, c’est la lutte de classe
La nouvelle Assemblée nationale qui se dessine à l’issue du premier tour des élections législatives donnera sans doute une courte majorité pour Macron et une forte présence des partis d’opposition, La France insoumise en tête. Pour qui aime le spectacle politicien, cela promet de belles prises de bec.
Mais, pendant qu’ils nous amuseront avec leurs empoignades parlementaires, la grande bourgeoisie qui détient l’essentiel du pouvoir sur nos vies continuera de décider et le gouvernement obéira à ses ordres. Alors, tant que le monde du travail restera spectateur et passif face à ce cirque politique, rien ne changera pour les classes populaires.
La lutte de classe est menée en permanence par le grand patronat. Face à cela, les partis qui ne proposent aux travailleurs que de brandir un bulletin de vote nous désarment.
C’est d’ailleurs cette illusion électoraliste, propagée par les partis de gauche, qui a désorienté et démoralisé le monde du travail, car les espoirs placés dans un Mitterrand, un Jospin ou un Hollande ont toujours été déçus. Cela conduit aujourd’hui une fraction de l’électorat ouvrier à se jeter dans les bras de l’extrême droite, tandis que l’écrasante majorité se détourne de toute politique.
L’abstention massive est significative de l’état d’esprit de nombreux travailleurs. Elle reflète l’indifférence, voire le dégoût des milieux les plus exploités et les plus pauvres à l’égard des élections et de la vie politicienne.
Ce rejet est légitime, car il y en a assez de voir les politiciens promettre des mille et des cents, alors qu’une fois au pouvoir ils ne peuvent ni ne veulent résoudre les problèmes des classes populaires. Il y en a assez de les voir poser aux sauveurs suprêmes, alors qu’ils sont dépassés par leur propre système, dans les hôpitaux et l’éducation, dépassés par la flambée des prix, par la guerre et cette crise climatique dont nous mesurons tous les jours les conséquences. Leur principale fonction est de gérer le chaos en préservant les intérêts de la grande bourgeoisie.
Mais nous ne pouvons rejeter le cirque politicien et les partis dévoués à l’ordre bourgeois qu’en leur opposant une autre politique, celle représentant les intérêts des travailleurs, une politique de défense des intérêts de classe et des perspectives pour renverser le capitalisme.
Alors, ce dégoût pour le cirque électoral ne doit pas conduire les travailleurs à tourner le dos aux préoccupations politiques. Quand on appartient au monde des exploités, il n’y a pas de porte de sortie individuelle. Soit nous nous battons collectivement pour nos intérêts de classe, soit nous reculons sous la pression patronale. Affirmer cette idée autour de soi, c’est déjà faire de la politique.
Même la lutte quotidienne consistant à défendre son gagne-pain, son emploi et son salaire nécessite une conscience politique. Parce que, pour gagner, il faut savoir faire la différence entre ceux de son camp et ses ennemis ou ses faux amis.
Il faut comprendre que, dans cette période de crise, il n’y a plus de compromis possible avec la grande bourgeoisie. Ce sont ses dividendes ou nos salaires ! Ses rentes ou nos retraites ! Les jets privés ou les hôpitaux et les écoles ! C’est elle ou nous !
Alors, il n’y a aucune confiance à avoir dans les politiciens qui ne veulent pas s’affronter au grand patronat et remettre en cause sa sacro-sainte propriété privée capitaliste : ceux-là feront toujours passer les intérêts de la bourgeoisie avant ceux des travailleurs.
Lutte ouvrière a présenté des candidats dans toutes les circonscriptions du pays pour exprimer cette conscience de classe. Ils ont recueilli les suffrages de quelque 230 000 électeurs. Cela indique l’existence d’un courant qui lève le drapeau des luttes et de la solidarité du monde du travail, le seul qui offre une boussole politique aux exploités.
C’est à partir de cette conscience de classe que les travailleurs peuvent reconstruire un parti qui soit le leur. Un parti qui ne cherche pas des places dans les institutions pour essayer de peser de l’intérieur, mais qui vise le renversement du capitalisme, de son culte de l’argent et de la réussite individuelle. Un parti qui affirme que les travailleurs sont capables de diriger la société bien mieux que la grande bourgeoisie. Un parti composé et dirigé par des travailleurs, et construit pour les aider à mener les luttes nécessaires.
La renaissance d’un tel parti aura bien plus d’importance pour l’avenir que les psychodrames qui se noueront demain dans le moulin à paroles qu’est l’Assemblée nationale.