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Dans le monde
Russie : la guerre au prix fort
Poutine vient de limoger le général Dvornikov, qui dirigeait l’armée russe lancée sur le Donbass depuis qu’elle avait échoué à faire tomber la capitale ukrainienne, Kiev.
Les « compétences » militaires de ce général, qui lui ont valu le surnom de « boucher de la Syrie » et la médaille de Héros de la Fédération de Russie, n’ont visiblement pas suffi à donner un second souffle à l’offensive du Kremlin dans l’est de l’Ukraine. Ni surtout à apporter des victoires décisives sur lesquelles Poutine pourrait s’appuyer pour envisager des négociations.
Certes, le grand port ukrainien de Marioupol a été finalement pris, et la ville rasée, comme le sont pratiquement Severodonetsk et des agglomérations voisines que l’armée de Kiev ne parvient plus à tenir. Quant à l’oblast de Zaporijjia, où se réfugiaient ceux qui fuyaient les combats au sud et à l’est, l’armée russe en contrôle désormais 60 % selon Zelensky.
Mais quel est le prix de ces conquêtes ? Le Kremlin évite de chiffrer ses pertes. Cependant, du fait de l’aide militaire massive de l’Otan au régime de Kiev, l’armée russe aurait perdu 1 400 tanks, près du tiers du total de ceux dont elle disposait, plus de 200 avions, 180 hélicoptères. À cela s’ajoute le bilan humain de cette « opération militaire spéciale » selon la terminologie officielle. Selon les autorités ukrainiennes, 31 000 militaires russes auraient été tués.
Si l’on ne peut garantir ce chiffre, on sait en revanche que Poutine a signé un décret qui attribue une prime de 5 millions de roubles (l’équivalent de 76 000 euros) aux familles des membres de la Garde nationale tombés en Ukraine ou « en effectuant des tâches spéciales en Syrie ». Or cette force militaire, créée en 2016 pour maintenir l’ordre poutinien, n’est pas censée combattre hors de Russie. Mais il est visible que le Kremlin, du fait des pertes déjà subies, voire du fait des jeunes qui réussissent à échapper à l’incorporation, doit mobiliser de plus en plus largement.
Quant à la population civile, même si les cas de protestation ouverte sont rares, si ici ou là des tracts circulent, voire si des grèves ont lieu pour retard de paiement de salaire, Poutine et les siens savent qu’elle supporte de plus en plus mal cette guerre.
Elle a des effets de plus en plus ravageurs sur la vie quotidienne de millions de gens, avec les morts, les blessés au front, mais aussi le chômage qui se développe, les salaires amputés. Là encore, le Kremlin ne fournit pas de chiffres. Mais il suffit de savoir que, par exemple, les ventes d’automobiles ont chuté… de 80 %, sous l’effet combiné des sanctions occidentales, de la forte baisse des revenus réels d’une grande partie de la population, des fermetures d’usines et de concessions, de l’arrêt de certaines productions.
Il s’y ajoute la militarisation de la société, le renforcement du caractère policier du régime, qui pèsent de plus en plus lourd. Justifié en haut lieu par la nécessité de faire face à un environnement fondamentalement hostile, il n’est pas dit que ce durcissement du régime suffira à étouffer toute contestation sociale aussi longtemps que les bureaucrates, les oligarques et leur chef le voudraient.