Aiguilleurs SNCF : un préavis levé sans l’accord des grévistes01/06/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/06/2809.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Aiguilleurs SNCF : un préavis levé sans l’accord des grévistes

Alors qu’une grève s’annonçait particulièrement suivie chez les aiguilleurs le 25 mai, les syndicats ont levé leur préavis quelques jours auparavant.

Depuis mars, dans plusieurs Établissements Infra-Circulation (EIC) en Aquitaine, Alsace, Lorraine, Paca, Midi-Pyrénées, différents mouvements de grève d’une journée ou plus ont eu lieu chez les aiguilleurs. À plusieurs reprises, ils ont compté 80-90 % de grévistes contre les 20-30 % habituels, du jamais-vu depuis les grèves de 1995.

Le mécontentement sur les conditions de travail et les bas salaires est à l’origine de cette ébullition. Depuis plus de dix ans, le sous-effectif dans les postes d’aiguillage devient insupportable. Il est aussi orchestré par la direction qui projette la fermeture de tous les postes d’aiguillage en France. Ils seraient alors télécommandés depuis une quinzaine de postes informatisés.

Les salaires sont très bas, malgré un travail en 3x8 comprenant les week-end et jours fériés. La pression et les contrôles incessants des chefs s’y ajoutent, de sorte que les jeunes embauchés démissionnent fréquemment. Les aiguilleurs affectés à la réserve tournent comme des toupies pour remplacer un collègue en cas d’absence et des chefs doivent parfois couvrir les postes vacants. Certains réservistes parlent de quitter la SNCF ou de demander une mutation quand c’est possible.

Des mouvements locaux est née l’idée de faire du 25 mai une journée nationale de grève dans tous les EIC, lancée par les syndicats Sud-Rail, CFDT et UNSA, la CGT choisissant de poser différents préavis locaux.

Cette journée s’annonçait particulièrement suivie, et c’est ce qui a amené la direction à proposer aux syndicats une prime exceptionnelle de 600 euros brut pour tous les aiguilleurs de France, et la majoration d’une prime de travail de 20 %, uniquement pendant sept mois. C’était en tout et pour tout l’équivalent de 1 000 euros brut versés de manière exceptionnelle, mais aucune augmentation de salaire. La direction ajoutait à cela la promesse de deux cents embauches supplémentaires, ce qui est très insuffisant. Vu les conditions de travail et de rémunération, il y a d’ailleurs peu de candidats et beaucoup de démissions.

La direction conditionnait tout cela à la levée du préavis de grève du 25 mai, donnant aux syndicats jusqu’au 19 mai minuit pour le lever. Finalement, en l’espace de 48 heures, ceux-ci ont décidé à la place des grévistes et cédé au chantage de la direction.

Pour de nombreux cheminots, ces 1 000 euros étaient certes bons à prendre, mais loin de nos revendications car ce sont tous les mois qui sont difficiles.

Des jeunes n’ayant encore jamais fait grève étaient engagés dans le mouvement et le nombre de déclarations d’intention de grève était massif. Dans plusieurs secteurs, des cheminots en colère après ce lâchage des syndicats se sont mis en grève spontanément le 25, ayant à subir les pressions non seulement de la direction mais parfois de bureaucrates syndicaux, dont certains affirmaient que les grévistes mettaient en danger les conquêtes obtenues pour les aiguilleurs à l’échelle nationale !

Déjà, en décembre dernier, les syndicats obéissant à un ultimatum de la direction, avaient levé un préavis quelques heures avant le déclenchement d’une grève chez les conducteurs et contrôleurs de l’axe Paris-Sud-Est. C’est aux cheminots et à eux seuls de décider. Le mécontentement croissant sur les salaires et les effectifs, à la SNCF comme ailleurs, est peut-être annonciateur d’un mouvement plus général. Si c’est le cas, il sera vital que les grévistes, syndiqués ou non, le contrôlent démocratiquement au travers d’assemblées générales et de comités de grève.

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