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Dans le monde
La guerre et la dés-Union européenne
Le 8 mars, Joe Biden annonçait un embargo sur les achats de gaz, de pétrole et de charbon russes. Il présentait cette mesure comme frappant le Kremlin au portefeuille pour le punir de faire la guerre en Ukraine.
L’Union européenne (UE) affiche les mêmes dispositions à l’encontre de Poutine. Mais, deux mois plus tard, alors qu’elle s’apprête à adopter un sixième train de sanctions contre la Russie, elle peine à s’entendre sur la façon de les concrétiser.
L’exercice tient du grand écart car il s’agit de ménager des États européens aux intérêts rien moins que convergents, certains dépendant étroitement des importations de gaz russe. Le tout sans oublier, ce qui n’est pas le moins important, les intérêts des compagnies pétrolières européennes, la française Total au premier chef, qui, à la différence de leurs homologues américaines, restent très présentes dans la commercialisation sinon l’exploitation des hydrocarbures russes.
L’Allemagne, première puissance économique du continent, ne peut fonctionner sans le gaz russe. Fin avril, la confédération des employeurs BDA avait déclaré qu’un « embargo rapide sur le gaz » compromettrait la production et conduirait à des « destructions d’emplois ». Robert Habeck, le vice-chancelier allemand, avait enfoncé le clou en affirmant que cela « mettrait en danger la paix sociale ». Par pudeur, sans doute, ni les uns ni les autres n’évoquaient ce qui motive leur refus : le souci de ménager les affaires de leurs capitalistes.
Le problème se pose à peu près dans les mêmes termes aux Pays-Bas et dans le nord industriel de l’Italie. En faisant la moue ou en s’opposant à l’envoi d’armes à l’Ukraine, des mouvements comme la Ligue de Salvini, ex-Ligue du Nord, ou le mouvement Cinq Étoiles ne tiennent pas seulement compte d’une opinion qui y est majoritairement opposée. Ils tiennent compte des intérêts très concrets de certains industriels et grands groupes italiens, qui ont des liens d’affaires étroits avec la Russie.
De la même façon, la France et l’Allemagne, ainsi que les Pays-Bas notamment, ont adopté des politiques sensiblement différentes en matière de soutien militaire à l’Ukraine. L’Allemagne, qui ne voulait pas irriter Moscou et risquer de se voir couper le robinet du gaz – ce qui vient d’arriver à la Bulgarie –, a d’abord hésité à fournir des armes à l’armée ukrainienne, en tout cas elle l’a fait savoir. La France, elle, troisième exportateur d’armes mondial, s’est faite discrète tout en cherchant à tenir son rang… face à la forte concurrence américaine et britannique.
Ces divergences révèlent une des contradictions majeures de cette Europe-là : être un assemblage de 27 pays que dominent quelques puissances impérialistes associées mais rivales, et notamment la France et l’Allemagne.
Prise en tenaille dans cet affrontement entre deux blocs, leur unité de façade montre ses fissures.