Morts de Charonne : l’État assassin et sa continuité16/02/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/02/2794.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Morts de Charonne : l’État assassin et sa continuité

Soixante ans après la mort de neuf manifestants au métro Charonne, Macron a reconnu du bout des lèvres que, le 8 février 1962, la police française avait assassiné une nouvelle fois dans les rues de Paris. Il a donc envoyé le préfet Lallement déposer une gerbe au Père Lachaise.

Ce dépôt de gerbe a été l’occasion de trois phrases de Macron : « Le 8 février 1962, une manifestation unitaire a été organisée à Paris pour la paix et l’indépendance en Algérie et contre les attentats de l’OAS. Elle a été violemment réprimée par la police : neuf personnes ont perdu la vie, plusieurs centaines furent blessés. » « Soixante ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes et de leurs familles », a ajouté Macron. Mais en fait il poursuit sa politique de fausse reconnaissance des crimes commis par la France lors de la guerre d’Algérie, en tentant d’enterrer les questions gênantes. Le préfet de police de l’époque, Maurice Papon, étant mort, lui faire porter la responsabilité des crimes de la police, de la manifestation du 17 octobre 1961 à celle de Charonne, ne prête plus à conséquence.

La police parisienne a pu commettre des centaines d’assassinat durant cette période parce que l’ensemble de l’appareil d’État en commettait en Algérie. L’armée assassinait et torturait. La justice couvrait ses crimes. L’enjeu était de maintenir l’empire colonial et les possibilités de pillage des capitalistes français.

Ceux qui se sont opposés à cette guerre l’ont payé cher et il faut leur rendre honneur. Les jeunes hommes qui ne voulaient pas y aller ont connu les régiments disciplinaires. Ceux qui aidaient le FLN furent pourchassés et envoyés en prison. Mais si cette opposition est restée très isolée, et si l’ensemble des travailleurs en France ne se sont pas retrouvés aux côtés de leurs frères algériens, la responsabilité en incombe aussi beaucoup à la politique des partis de gauche d’alors.

La SFIO, ancêtre du PS, fut portée au pouvoir en 1956. Guy Mollet, soutenu par le Parti communiste, avait promis la paix mais son gouvernement accentua la guerre et donna les pleins pouvoirs à l’armée en Algérie. Il fut complice de la torture utilisée durant la bataille d’Alger. Quant au PCF, il se contenta durant des années du slogan « Paix en Algérie ». Si bien des militants communistes étaient contre la guerre, la direction de leur parti cachait derrière ce slogan ambigu une politique responsable vis-à-vis de la bourgeoisie française et de son empire colonial. Le PCF, qui avait défendu en 1945 la mainmise de l’Empire français sur ses colonies, ne voulait pas la condamner en prônant clairement l’indépendance de l’Algérie. Pendant les huit années de la guerre d’Algérie, il évita de soutenir les manifestations contre celle-ci, y compris celle des rappelés de 1956, qui refusaient de partir.

À Charonne en 1962, ce sont pourtant bien des militants du Parti communiste qui sont morts. Car la base du PCF était bien plus prête à combattre la guerre que sa direction. Mais quelques mois avant, en octobre 1961, le PCF avait encore évité de se dire solidaire des manifestants algériens victimes du même préfet Papon. La manifestation de Charonne arrivait alors que, depuis plus d’un an, de Gaulle lui-même préparait l’indépendance de l’Algérie. Si les négociations avec le FLN étaient momentanément interrompues, le processus était bien lancé.

Lorsqu’il commémore Charonne, le Parti communiste essaie aussi de faire oublier sa politique inacceptable durant la guerre d’Algérie. Contre les crimes de la police, il continue aujourd’hui encore à en appeler aux valeurs de la « République française », cette république bourgeoise qu’il a contribué à remettre en place en 1944-1945, avec son appareil d’État et ses préfets compromis sous Pétain, comme Papon. Autant dire qu’il est toujours à genoux devant un État qui a aidé et aide encore la bourgeoisie française à maintenir sa domination.

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