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Dans le monde
Ouighours : indignation à géométrie variable
Jeudi 20 janvier, à l’initiative des députés socialistes, l’Assemblée nationale a voté une résolution condamnant le génocide des Ouighours par la Chine. Cent soixante-neuf députés, toutes tendances confondues, ont voté pour, quatre LFI et un PCF se sont abstenus, un LREM, par ailleurs président des amitiés franco-chinoises, a voté contre.
Discuter sur la qualification ou non de génocide à propos de la persécution des Ouighours n’est pas le problème. Le choix des mots ne change rien aux faits. S’il n’y a pas une extermination systématique, industrielle des Ouighours comme celle perpétrée par les nazis assassinant six millions de Juifs, Tsiganes, malades mentaux, il y a néanmoins la destruction d’un peuple par le travail forcé. Des millions de Ouighours, turcophones et de culture musulmane, sont internés dans des camps de travail, systématiquement brimés, encore plus contrôlés et maltraités par la dictature que la population chinoise dans son ensemble. Ils le sont d’ailleurs fondamentalement pour la même raison, qui est d’asseoir le pouvoir et la fortune de la nouvelle bourgeoisie chinoise en fournissant aux capitalistes occidentaux une main-d’œuvre bon marché. Les Ouighours sont en effet, entre autres, les quasi-esclaves du coton, sur le travail desquels se construisent les profits des multinationales du textile.
Pourtant l’indignation des députés français, et de leurs homologues d’autres pays impérialistes, est comme toujours très sélective. Leur sujet n’est pas tant les Ouighours que la participation à la chorale occidentale antichinoise. Défendre les Ouighours est un moyen de dénoncer le nouvel ennemi chinois, bouc-émissaire tout trouvé aux difficultés économiques des pays impérialistes. Car, s’il s’agissait de défendre une minorité opprimée et jetée dans le chaudron du capital ou menacée dans son existence nationale, pourquoi s’en tenir aux Ouighours ? On attend les prises de positions de ces bons apôtres sur les multiples peuples opprimés de par le monde, des Palestiniens aux Karens de Birmanie, des coptes d’Égypte aux musulmans de l’Inde, des Kurdes aux Indiens d’Amazonie ou du Pérou et aux Roms de toute l’Europe.
L’écrasement des minorités est inséparable de l’exploitation du travail humain, toute l’histoire en témoigne. Comment démêler d’ailleurs, dans le cas des Ouighours particulièrement, ce qui ressort de la négation d’une culture et ce qui est la pure et simple recherche du profit ? Le système capitaliste ne produit pas seulement l’exploitation du travail humain, il l’accompagne de toutes les formes d’oppression dont sont victimes, peu ou prou, toutes les minorités, et en particulier les minorités nationales. La question n’est pas de choisir laquelle de ces oppressions condamner, en fonction des opportunités du moment. Elle est d’abattre ce système qui les reproduit sans cesse et en fait naître de nouvelles.
P. G.