États-Unis : les droits des femmes attaqués15/12/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/12/2785.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : les droits des femmes attaqués

Coup sur coup, une loi de l’État du Texas et une de l’État du Mississippi viennent remettre en cause le droit à l’avortement. Elles sont contestées devant la Cour suprême. Si cette institution rend, dans environ six mois, une décision contentant les réactionnaires, au moins la moitié des États américains pourraient à leur tour interdire l’avortement.

En 1973, aux côtés du mouvement contre la guerre du Vietnam et de la révolte des ghettos noirs, un grand mouvement pour le droit des femmes avait bousculé les fondements réactionnaires de l’Amérique bourgeoise. Et la Cour suprême avait affirmé le droit à l’avortement. Il s’appliquait à tout le territoire américain.

Les juges de la Cour suprême de l’époque n’étaient pas spécialement progressistes : cinq de ceux qui avaient voté en faveur de l’avortement libre avaient été nommés par des présidents républicains, et un des deux qui avaient voté contre par un président démocrate. Ils ne faisaient qu’habiller juridiquement un progrès conquis par les femmes en lutte qui prenaient enfin, selon le mot d’une féministe du début du 20e siècle, « la possession et le contrôle de leur propre corps, sans lesquels aucune femme ne peut être libre ».

Mais dès le milieu des années 1970, marquées par la crise économique et le chômage, une reprise en main par l’État réprima le mouvement noir radical. Le mouvement féministe aussi fut affaibli. Les courants de la droite religieuse, eux, reprenaient l’offensive pour pousser les élus à limiter ce nouveau droit à l’avortement.

Très vite, dans 46 des 50 États américains, les cliniques et les médecins purent refuser de pratiquer des avortements, au nom de croyances religieuses. De plus, de véritables terroristes firent sauter des cliniques, tuant ou blessant des médecins et des infirmières pratiquant des avortements. C’est ainsi que le droit à l’avortement a été concrètement nié à de nombreuses femmes, qui n’ont pas eu accès à une clinique dans le comté ou l’État où elles habitaient.

Puis, en 1977, un amendement voté par un Congrès à majorité démocrate refusa que l’assurance maladie pour pauvres, Medicaid, rembourse les avortements. Les femmes pauvres, dont 300 000 par an bénéficiaient de la gratuité de l’avortement, se voyaient exclues de cette possibilité. Très vite on enregistra des décès de femmes essayant d’avorter par elles-mêmes.

À présent, la nouvelle loi du Mississippi interdit l’avortement même en cas de viol et d’inceste. Celle du Texas l’interdit dès le premier battement de cellule cardiaque de l’embryon, environ six semaines après la conception, alors que bien des femmes ignorent encore qu’elles sont enceintes. Elle permet à n’importe qui de faire un procès à ceux, médecins, ambulanciers, amies, etc., qui apporteraient une aide aux femmes avortant hors délais, et d’en faire supporter les frais de justice aux accusés.

Le Parti démocrate et son président Biden, catholique pratiquant affirmant être personnellement opposé à l’avortement, tout en disant ne pas vouloir remettre en cause ce droit, prétendent qu’il dépend d’une décision des neufs juges de la Cour suprême.

Pourtant, 75 % de la population américaine pensent que les autorités n’ont pas à se mêler d’une décision intime, que les femmes prennent avec leur médecin. Les droits des femmes ne peuvent être défendus que comme ils ont été obtenus : par la lutte.

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