Pearl Harbor et l’entrée en guerre des États-Unis08/12/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/12/2784.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

il y a 80 ans

Pearl Harbor et l’entrée en guerre des États-Unis

Le 7 décembre 1941, la marine impériale japonaise lançait une attaque aérienne contre la principale base navale américaine du Pacifique, à Pearl Harbor dans l’archipel d’Hawaï. La guerre devenait mondiale.

L’attaque japonaise, ce jour-là et à cet endroit-là, était une surprise tactique : des cuirassés américains furent coulés et 2 400 marins perdirent la vie en quelques heures. Mais la guerre du Pacifique était préparée par les deux camps depuis longtemps : elle était dans la logique de l’affrontement entre ces puissances impérialistes.

L’expansionnisme américain

L’expansionnisme américain dans le Pacifique se manifesta, dès 1853, par l’envoi d’une escadre en baie de Tokyo pour forcer le Japon à ouvrir des ports au commerce des États-Unis.

Toutefois la bourgeoisie commerçante américaine visait avant tout les vastes richesses de la Chine. Aux côtés des puissances coloniales européennes, les États-Unis purent lui imposer des concessions portuaires. Pour maintenir ces privilèges, quatre régiments américains participèrent à la mise à sac de Pékin en 1900, lors de la répression de la révolte des Boxers.

En 1893, le royaume d’Hawaï passa sous la coupe des États-Unis, avant d’être annexé en 1898. Cette même année, par une guerre contre l’Espagne, ceux-ci s’arrogèrent le contrôle des Philippines, qui devinrent un protectorat.

Au début du 20e siècle, les États-Unis étaient donc une puissance déjà bien installée de part et d’autre de l’immense océan Pacifique. À la fin de la Première Guerre mondiale, alors que le Japon, rapidement industrialisé et militarisé, venait de mettre la main sur les possessions allemandes en Chine et dans les îles du Pacifique, il devint pour eux un rival. La course aux armements navals était lancée.

En 1924, le gouvernement américain signifia encore son hostilité au Japon en interdisant à ses citoyens d’immigrer vers les États-Unis. Cette disposition s’appliquait déjà aux Chinois. Elle préfigurait les mesures racistes d’internement que les Américains d’origine japonaise allaient connaître de 1942 à 1945.

Vers la guerre en Asie et dans le Pacifique

Après la crise économique de 1929, une vague protectionniste balaya le monde et coupa l’économie japonaise d’approvisionnements indispensables en matières premières. Le Japon réagit comme on pouvait s’y attendre de la part d’une puissance impérialiste : il lui fallait conquérir une sphère d’influence économique et politique et il s’apprêta à le faire par les armes.

En 1931, l’absence d’État chinois central fût mise à profit pour envahir la Mandchourie et en faire un protectorat japonais. À partir de 1937, l’armée japonaise attaqua directement la Chine et commença à l’envahir pour prendre la place des impérialismes occidentaux.

La mise hors course de l’impérialisme français, défait en 1940 par l’Allemagne, ouvrit un an plus tard la porte de sa colonie d’Indochine aux troupes japonaises. Elles lorgnaient aussi la colonie hollandaise d’Indonésie.

La Grande-Bretagne, déjà sur la défensive en Europe et en Afrique du Nord face à l’Allemagne et à l’Italie, ne pouvait presque rien faire pour défendre ses colonies : Birmanie, Malaisie, Singapour, Hong Kong et autres petits territoires du Pacifique face au Japon. L’Australie, qui contrôlait la Papouasie, n’avait pas la force de contrer l’expansionnisme japonais. Les États-Unis endossèrent ce rôle, organisant le blocus du Japon, pour interrompre notamment ses importations vitales de pétrole.

Les peuples conditionnés pour la boucherie

Pour mettre la population au pas et la préparer aux sacrifices, le régime autoritaire de Tokyo obtint la collaboration des dirigeants syndicaux de la centrale Sodomei qui, après avoir exclu les syndicats trop remuants, renoncèrent publiquement aux grèves en 1937. Les militants du Parti communiste japonais, eux, étaient considérés comme des criminels en vertu d’une loi dite de « préservation de la paix » de 1925, dont la sévérité fut accrue en mai 1941. Plus de 70 000 personnes furent arrêtées de 1925 à 1945, des militants mais aussi des familles de soldats morts à la guerre et qui avaient osé la maudire.

En prenant l’initiative des hostilités par l’attaque de Pearl Harbor, l’impérialisme japonais s’assura un avantage initial et il put du moins pour un temps desserrer l’embargo qui l’étranglait. Mais ni l’effet de surprise, ni l’embrigadement guerrier d’une population japonaise muselée ne pouvaient changer durablement le rapport de force économique et militaire favorable à l’impérialisme américain. Après Pearl Harbor, puis en 1942 la conquête des Philippines, de la Malaisie et de l’Indonésie, la marine et l’armée japonaises allèrent de défaite en défaite.

Jamais la côte ouest des États-Unis ne fut menacée d’invasion. Mais l’attaque de Pearl Harbor permit au président Roosevelt de lancer une intense propagande auprès de la population américaine. Celle-ci, qui jusque-là souhaitait dans sa grande majorité rester à l’écart de la guerre, fut convaincue de s’y engager et de se laisser embrigader, les hommes au front, les femmes dans les usines, les mineurs au fond des puits sans trêve ni repos. L’unanimité patriotique devint la règle pour tous les partis, les syndicats, les églises, les associations, etc.

Les travailleurs américains embrigadés

Pourtant, à partir de 1934, la classe ouvrière américaine s’était engagée dans un très large mouvement gréviste, marqué par des occupations d’usines et des affrontements avec les milices patronales et les troupes mobilisées pour mater les ouvriers. En avril 1941, la vague gréviste avait atteint les usines Ford et forcé ce patron de choc à s’entendre avec le syndicat UAW des travailleurs de l’automobile.

Les dirigeants syndicaux s’étaient efforcés de cantonner les objectifs des travailleurs à des revendications économiques. Politiquement, dans leur grande majorité ils soutenaient Roosevelt. Après Pearl Harbor, ils collaborèrent avec le pouvoir et s’engagèrent à ne plus provoquer de grèves. Le Parti communiste stalinien adopta la même ligne. Toutefois la vague de grèves reprit à partir de 1943.

La petite minorité de militants trotskystes qui luttaient contre cet embrigadement de la classe ouvrière dans l’intérêt de l’impérialisme américain fut persécutée. Une loi de 1861, adoptée à l’époque pour réprimer le soulèvement sécessionniste des esclavagistes du Sud, fut réactivée et complétée en 1940. James Cannon et des dizaines de ses camarades, dont les dirigeants de la grève des Teamsters de 1934 à Minneapolis, passèrent en procès pour sédition à partir d’avril 1941. Le FBI présenta les livres de Marx – que l’on pouvait emprunter dans des bibliothèques – trouvés chez ces révolutionnaires comme des preuves. Le lendemain de l’entrée en guerre des États-Unis, le 8 décembre 1941, 23 verdicts de prison tombèrent.

Après l’attaque de Pearl Harbor, l’impérialisme américain s’engagea pleinement dans la guerre, non seulement dans le Pacifique, mais en Europe. Le moment était venu d’asseoir définitivement sa domination mondiale, fût-ce au moyen, entre autres, de deux bombardements atomiques, sur Hiroshima et Nagasaki.

Partager