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- Lutte ouvrière n°2782
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Editorial
Antilles : Qui sème la misère récolte la colère !
La mobilisation contre le passe sanitaire et l’obligation vaccinale, particulièrement forte aux Antilles depuis l’été, vient de se transformer, en Guadeloupe, en mouvement de révolte générale.
Le jour, les piquets de grève et les barrages rassemblent des travailleurs de la santé, des salariés de l’hôtellerie-restauration, des sapeurs-pompiers, des enseignants, des travailleurs des Ehpad ou encore des travailleurs d’ArcelorMittal en grève depuis plus de deux mois. La nuit, ce sont des bandes de jeunes qui cherchent à défier la police en allumant des incendies ou en pillant.
L’étincelle qui a mis le feu aux poudres est la suspension sans salaire des travailleurs de la santé non-vaccinés. Comme ici en métropole, de nombreux soignants ont vécu l’obligation vaccinale, assortie de menaces et de sanctions, comme une énième humiliation. Et on les comprend !
L’État les a envoyés au front du Covid au péril de leur santé, sans leur fournir le matériel de protection élémentaire. Il a toujours refusé d’accorder les moyens nécessaires en matériel, en équipement et en personnel aux hôpitaux, et voilà qu’il s’érige en donneur de leçons et qu’il sanctionne ceux qui ne sont pas prêts à se faire vacciner en les suspendant sans salaire !
La vaccination est un moyen puissant pour combattre l’épidémie, mais les méthodes autoritaires qui l’accompagnent n’ont rien de sanitaire. Elles sont hautement politiques et servent d’abord à mettre au pas les travailleurs et la population. De fait, la non-vaccination est devenue un nouveau motif de licenciement, une attaque anti-ouvrière de plus, c’est ce que combattent les travailleurs de la santé en Guadeloupe et en Martinique, et c’est bien légitime.
Et qui peut s’étonner de la méfiance vis-à-vis de la parole des autorités de santé aux Antilles ? Pendant des décennies, elles ont autorisé les patrons de la banane à utiliser le chlordécone, un pesticide cancérigène qui a empoisonné ouvriers agricoles, sols et nappes phréatiques.
Parmi les raisons qui alimentent la révolte actuelle, on retrouve tous les ingrédients qui avaient déjà fait exploser la colère en 2009 avec le mouvement contre la « profitation » : l’extrême pauvreté, l’abandon et la déshérence d’une bonne partie de la jeunesse condamnée au chômage, les bas salaires, la vie chère et l’incurie de l’État.
Le gouvernement et les commentateurs n’ont pas de mots assez durs contre les bandes de jeunes casseurs qui sèmeraient « l’anarchie » et « le chaos ». Mais quand il n’y a pas d’électricité ni d’éclairage public pendant des mois, quand le ramassage des ordures est sporadique, c’est aussi une forme de chaos. Et celui-ci est organisé par l’État ! Les coupures d’eau font tellement partie du quotidien que les habitants de certains quartiers sont forcés de se déplacer vers des points où l’eau arrive : une école, un parc, le long d’une route, et ce depuis des années ! Serait-ce imaginable dans un département de métropole ? Non !
Il y a dans la façon de traiter la population antillaise une forme de mépris colonial insupportable. Ce qui est considéré comme un minimum en métropole ne l’est pas pour la Guadeloupe et la Martinique. Le gouvernement se vante d’avoir ramené le chômage à 8 % en métropole, eh bien, il s’élève à 17 % en Guadeloupe ! Quand la pauvreté frappe 14 % de la population dans l’Hexagone c’est 34 % en Guadeloupe. Et comment la jeunesse de l’île pourrait-elle ne pas se sentir méprisée quand elle ne trouve ni emploi ni formation sur place ?
La hausse des prix prend, aux Antilles, une tournure vertigineuse. Rien que le pain a augmenté de 68 % ! Tout cela avec des salaires et des pensions qui sont, comme en métropole, bloqués, quand ils ne sont pas baissés du fait de la suppression de certaines primes.
Si la cocotte-minute a explosé, Macron en est le responsable et, en envoyant des forces du Raid ou du GIGN, il ne fait que rajouter de l’huile sur le feu.
Pour l’instant, la colère prend des formes diverses, mais elle peut et doit être orientée contre le gouvernement et le patronat. Les travailleurs sont capables de le faire s’ils utilisent la force de la grève. En s’organisant à partir des entreprises, en arrêtant de produire les profits patronaux, le monde du travail peut avancer ses revendications, qui constitueraient un progrès pour toute la population : des embauches, des augmentations de salaire et leur indexation sur les prix, des moyens pour des services publics en déshérence…
Alors oui, une telle révolte sociale serait source d’inspiration pour nous tous ici !
Bulletins d’entreprise du 23 novembre 2021