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Dans le monde
Algérie : élan populaire face à la crise sanitaire
En Algérie, la troisième vague du Covid, plus violente que les précédentes, fait des ravages. Dans les hôpitaux, le manque d’oxygène se révèle dramatique face à l’afflux de malades gravement atteints.
Écœurée par la passivité d’un pouvoir qu’elle rejette, la population a, dans un grand élan de solidarité, multiplié les initiatives pour pallier son incurie. La pandémie met en lumière l’état lamentable d’un système de santé public déjà à l’abandon, victime de décennies de restrictions budgétaires, au profit du secteur privé auquel seules les classes aisées peuvent avoir recours. Les radios, les tests PCR et les traitements sont hors de portée de la majorité des classes populaires, qui ont déjà du mal à se nourrir avec le salaire minimum.
Sur le terrain, les médecins du secteur public hospitalier témoignent d’une réalité qui est loin des chiffres officiels de cas Covid et de décès annoncés par le gouvernement. Rien qu’au cours du mois écoulé, quarante-cinq médecins sont morts du Covid. Le personnel de santé, épuisé par des horaires à rallonge et des congés supprimés, est démuni et livré à lui-même. Privés des moyens d’accueillir tous les malades qui se présentent et de leur fournir, entre autres, l’oxygène nécessaire, les soignants doivent faire face à la détresse des familles et à leur colère. Faute de personnel, les familles des malades doivent fournir un garde-malade, pour l’assister et le nourrir, multipliant les va-et-vient et les risques de contagion. Avec un taux de vaccination inférieur à dix pour cent, le variant Delta s’est répandu de manière fulgurante.
Face à un pouvoir corrompu et à un président resté muet et indifférent à ses souffrances, la population a décidé de prendre les choses en main. Un élan de solidarité a traversé tout le pays. Si les grands médias ont mis les projecteurs sur les dons et actions des grands patrons, de multiples actions ont été menées dans les villes et les villages pour collecter des fonds et acheter des concentrateurs d’oxygène.
Ainsi, dans la région de Tlemcen, en 24 heures, des tonnes de matériel médical ont été collectées dans 53 communes sans attendre les consignes des pouvoirs publics. À Tiaret, des ingénieurs retraités de la Sonatrach (Compagnie nationale des hydrocarbures), ont remis en état une ancienne unité yougoslave de production d’oxygène. À Alger, les supporters de foot du Mouloudia Club d’Alger, en pointe au début du Hirak, ont renoncé à fêter le prochain centenaire de leur club, afin de reverser les sommes collectées au profit des malades.
Face à ces chaînes de solidarité qui soulignent les défaillances de l’État, le gouvernement a annoncé l’importation d’oxygène et l’augmentation des capacités de production. Mais sa gestion de la crise sanitaire ne fait qu’accroître le sentiment de rejet du pouvoir en place. Soucieux des intérêts de la bourgeoisie algérienne, le FLN, parti au pouvoir depuis l’indépendance, a laissé le système de santé public se dégrader. Il peut se vanter d’avoir construit une des plus grandes mosquées au monde, alors que la capitale n’est toujours pas dotée d’un hôpital digne de ce nom.
Il tente maintenant d’encadrer et de contrôler les nombreuses initiatives qui viennent de la diaspora, en délivrant des habilitations, sans lesquelles il est impossible d’acheminer du matériel et des médicaments collectés en France. C’est lui qui décidera de leur distribution, comme de l’affectation des médecins bénévoles qui veulent porter secours à leur pays d’origine. Les dirigeants sont plus prompts à encadrer et sanctionner qu’à apporter de réelles solutions au personnel des hôpitaux. Ainsi un jeune de Skikda, dans l’est du pays, a été mis en détention pour avoir filmé et publié sur les réseaux sociaux une vidéo relatant la situation à l’hôpital de la ville où sa tante venait de décéder.
La crise sanitaire pousse les classes populaires à l’entraide, à prendre l’initiative et à s’organiser hors de tout contrôle de l’État. Pour contrer la vague d’attaques sociales que prépare le président Tebboune, qui sera autrement plus douloureuse que celle du Covid, les travailleurs devront aussi s’organiser à la base et se mobiliser sur des objectifs qui leur permettent d’imposer leur droit à une existence digne.