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Dans les entreprises
Chanel : l’envers du luxe
Dans les usines Chanel de l’Oise, non contente d’avoir profité de la pandémie en 2020 pour négocier avec certains syndicats la suppression de jours de repos, de l’intéressement, etc., au nom de ce qu’elle appelle la « responsabilité solidaire », c’est à présent à coups de licenciements individuels que la direction essaye de faire régner une atmosphère de soumission et de crainte parmi les salariés.
Même avec un chiffre d’affaires 2020 moindre qu’en 2019, le résultat net de Chanel a tout de même été de 1,4 milliard d’euros. Ce qui, divisé par le nombre de salariés de cette entreprise de luxe dans le monde, représente plus de 4 000 euros par travailleur et par mois. De plus, la fortune des deux propriétaires a augmenté de 85 % en un an !
En 2020, à Chamant, où l’on fabrique des produits de beauté, des dizaines d’intérimaires ont été envoyés à Pôle emploi, et maintenant la direction s’attaque aux CDI. Un ouvrier de 41 ans, père de cinq enfants, vient d’être licencié. La direction lui reproche d’avoir répondu à un appel téléphonique, ainsi qu’une altercation avec une collègue. Dans l’usine, tout le monde a compris que ces motifs sont bidon. Certains cadres expliquent que la direction a voulu se débarrasser d’un ouvrier qui ne se laissait pas faire. Voilà qui démasque aux yeux de bien des ouvriers le mythe selon lequel Chanel serait une grande famille regroupant travailleurs et patron.
À quelques kilomètres de là, à Verneuil-en-Halatte où l’on fabrique des sacs, c’est une ouvrière de 58 ans, travaillant depuis des années dans les ateliers, qui vient d’être congédiée pour une prétendue insuffisance professionnelle alors qu’elle venait de faire remonter des faits de harcèlement à son encontre.
Elle a été piégée par un système vicieux : les directions successives ont mis en place une hiérarchie de chefs, de référents, de compagnons… et incité chacun à faire remonter les problèmes pour soi-disant améliorer la qualité du travail. La direction a instauré ainsi un contrôle serré visant à diviser les salariés et lui permettant de monter des dossiers sur chacun, et sans doute aussi sur certains chefs.
La crise économique et la concurrence décuplent l’appétit financier des propriétaires, qui comptent sur la peur du chômage pour augmenter l’exploitation et licencier sans provoquer de réaction.
Mais les discussions entre travailleurs sur ces derniers licenciements se multiplient et peuvent accélérer une prise de conscience. Les calculs de la direction pourraient être déjoués car le mythe d’une « entreprise qui fait du social » commence à se fissurer.