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Dans le monde
Rwanda : retour sur le lieu du crime
Avec son discours prononcé au Rwanda, devant le mémorial dédié aux victimes du génocide de 1994, Macron a évoqué les « responsabilités lourdes et accablantes de la France » dans le génocide de 1994, tout en écartant les accusations de complicité de l’État français.
Cette hypocrisie et ces mensonges n’ont pas d’autre objectif que de permettre à l’impérialisme français de reprendre pied au Rwanda, et aux capitalistes français de passer des accords économiques avec le pouvoir rwandais. Celui-ci a facilité la tâche de Macron, le président Paul Kagamé ayant accepté de voir dans les déclarations de Macron « un grand pas » et ajouté : « nous devons l’accepter. »
Macron avait préparé le terrain du retour de la France au Rwanda, grâce à un rapport d’historiens, taillé sur mesure pour étayer la thèse d’un aveuglement des dirigeants français de l’époque. Cela permet de nier la culpabilité de l’État français de par sa politique en Afrique. Mais le discours de Macron à Kigali ne pouvait que révolter ceux qui ne sont pas dupes du cynisme de l’opération. Les phrases sur les souffrances endurées par les victimes ne coûtent rien et servent d’emballage à l’ignominie.
Depuis vingt-sept ans, les preuves de la complicité des gouvernements français et de l’armée française sont accablantes, car les faits sont têtus. Oui, le pouvoir en France connaissait depuis 1990 les préparatifs de génocide. Oui, l’armée française avait formé les génocidaires. Oui, certains militaires français ont participé aux massacres de civils. Oui, le gouvernement rwandais d’alors, responsable de la mort d’un million de personnes, a été formé dans les salons de l’ambassade de France. Oui, les autorités françaises ont fait évacuer les génocidaires pour les protéger et ont permis aux hauts dignitaires de ce régime assassin de se réfugier en France.
Tout cela ne découlait pas de l’aveuglement de Mitterrand, mais d’une politique acceptée par tous les partis au gouvernement à l’époque. À la base de cette politique de l’État, il y a non seulement un racisme post-colonial, mais surtout la défense des intérêts impérialistes. Or ceux-ci étaient mis à mal au Rwanda depuis 1990 par l’avancée du Front patriotique rwandais (FPR) contre le gouvernement d’Habyarimana, allié de la France, qui y voyait la pression de l’impérialisme anglo-américain.
Comme toujours, ce sont les intérêts et les profits des capitalistes qui ont dicté la politique du gouvernement français. Et les centaines de milliers de morts, les dévastations, la barbarie n’ont arrêté ni les politiciens, ni les hauts gradés de l’armée.
Aujourd’hui, ce sont en fait ces mêmes intérêts qui guident Macron. Sarkozy puis Hollande ont déjà tenté sans grand succès de rétablir des liens avec le Rwanda, pour redonner aux trusts français une place dans cette région d’Afrique. Mais Macron, qui n’est politiquement lié ni à la famille socialiste ni à celle de feu le RPR, peut se permettre des mots que les autres ne pouvaient pas prononcer sans risquer d’éclabousser leur entourage.
Depuis deux ans, ce retour des capitalistes français au Rwanda se préparait discrètement. C’est l’Agence française du développement (AFD) qui s’est faite leur éclaireur à Kigali. Cette agence, prétendument dédiée au « développement », sert depuis toujours à préparer leurs investissements. Elle prête aux pays pauvres de l’argent pour des investissements commandés en général à des entreprises françaises. Celles-ci récupèrent ainsi tranquillement de l’argent public aux dépens de la population française. En même temps, ces prêts aggravent la dette de ces pays et enrichissent aussi les banques, bien souvent françaises, aux dépens de la population africaine.
Depuis 2019, l’AFD a prêté près de 120 millions d’euros au Rwanda pour des projets divers, ouvrant la porte à d’autres possibilités de marchés pour les capitalistes français. Et c’est ainsi que Vivendi a pu construire un complexe culturel à Kigali pour 40 millions d’euros, sans parler de sa présence sur le marché des télécommunications locales.
Macron n’était pas seul à Kigali. Une dizaine de chefs d’entreprise l’accompagnaient pour signer des contrats. Quitte à marcher dans les flaques de sang laissées par les génocidaires de 1994, si bien formés par l’armée française.