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Dans le monde
Mali : les menaces de Macron
Emmanuel Macron a menacé de retirer les troupes françaises du Mali. Ce n’est pas la présence à la tête du pays d’un militaire issu d’un coup d’État qui le chagrine, mais la possibilité qu’il puisse s’engager sur la voie d’un accord avec les djihadistes.
Le colonel Assimi Goïta a finalement libéré le président Bah N’Daw et le Premier ministre Moctar Ouane qu’il avait fait arrêter et incarcérer au camp militaire de Kati le 24 mai, après son coup d’État. Cette libération n’est cependant intervenue qu’après les avoir forcés à démissionner et s’être fait lui-même proclamer président par la Cour constitutionnelle. Macron a déclaré au Journal du Dimanche avoir appelé du Rwanda ses homologues africains pour leur mettre la pression. « Je leur ai passé le message que je ne resterai pas à côté d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition », leur a-t-il asséné, parlant encore et toujours comme à des subordonnés.
Mais quelle légitimité y avait-il dans le régime malien aujourd’hui renversé, issu d’un coup d’État intervenu il y a neuf mois ? Bah N’Daw et Moctar Ouane, aujourd’hui renvoyés à leurs foyers, ne devaient leurs postes qu’au bon vouloir d’Assimi Goïta et de ses officiers des forces spéciales, qui étaient allés les chercher après avoir renversé Ibrahim Boubacar Keïta. Et quelle légitimité possède au Tchad Mahamat Idriss Déby, si ce n’est d’être le fils de son père ? Macron l’a pourtant adoubé en se rendant à l’enterrement de ce dernier.
Ce qui inquiète Macron, c’est qu’Assimi Goïta ait proposé le poste de Premier ministre à un membre du M 5 Rassemblement des forces patriotiques. Ce mouvement était à l’origine des manifestations qui ont déstabilisé le régime d’Ibrahim Boubacar Keita et finalement abouti à son renversement par la junte militaire en août 2020. Il s’est créé autour de l’imam Dicko, un prédicateur défendant l’application d’un islam rigoriste, hostile à toute forme de liberté pour les femmes mais surtout prônant le dialogue avec les chefs des groupes djihadistes. Et Macron de préciser dans son interview au Journal du Dimanche : « Au président malien Bah N’Daw, qui était très rigoureux sur l’étanchéité entre le pouvoir et les djihadistes, j’avais dit : « L’islamisme radical au Mali avec nos soldats sur place ? Jamais de la vie. » Mais il y a aujourd’hui cette tentation au Mali. »
Le président prépare-t-il la voie à un retrait des troupes françaises, conscient que l’intervention militaire est vouée à l’échec et suscite une hostilité croissante sur tout le continent africain ? Veut-il simplement faire pression sur Assimi Goïta, comme il l’avait fait en janvier 2020 en convoquant à Pau les chefs d’État africains impliqués dans le conflit ? Ils avaient été sommés de demander eux-mêmes la venue de l’armée française. En tout cas, l’intérêt de la population malienne est totalement étranger à ces calculs, comme depuis le début de l’intervention française en 2013.