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États-Unis : le massacre raciste de Tulsa, un souvenir qui dérange
Joe Biden vient de se rendre à Tulsa, dans l’Oklahoma, où se déroulait il y a un siècle un massacre de Noirs, que des historiens ont décrit comme l’événement de violence raciale le pire de l’histoire des États-Unis, qui en compte pourtant beaucoup.
Un Noir de 19 ans, cireur de chaussures, accusé d’avoir agressé sexuellement une Blanche de 17 ans, avait été arrêté par le shérif. Le 31 mai 1921, une foule d’un millier de Blancs s’étant massée, la crainte de son lynchage avait mobilisé 75 Noirs, dont certains armés. Devant le tribunal de Tulsa une fusillade éclata dans la soirée, faisant douze morts.
Le 1er juin, de nombreux Blancs s’armaient, certains assermentés sur-le-champ par le shérif. Encouragés à agir par les autorités municipales, qui faisaient courir la rumeur d’une insurrection des Noirs de Tulsa, ils se précipitaient vers le quartier de Greenwood, dont la population noire allait subir leur violent assaut.
Les émeutiers blancs mirent le feu à de nombreuses habitations et commerces, aidés par de petits avions qui lâchaient des bombes. Le quartier de Greenwood fût entièrement détruit sur quarante pâtés de maisons.
Le nombre des victimes noires de ce véritable pogrom n’a jamais été établi avec précision. En 2001, une commission a chiffré de 75 à 300 le nombre de Noirs décédés le 1er juin 1921, auxquels il faut ajouter plus de 800 blessés. Les autorités internèrent 6 000 personnes pendant plusieurs jours : les victimes noires évidemment, pas les agresseurs. La population noire de Tulsa diminua d’un seul coup.
La période suivant la fin de la Première Guerre mondiale fut marquée par de nombreux lynchages. Le gouvernement américain avait engagé une vaste campagne stigmatisant comme « antiaméricain » le mouvement ouvrier, et les communistes en particulier. Encouragés par cette propagande, des milices patronales ou d’extrême droite et des racistes passaient à l’acte, voulant « remettre les Noirs à leur place ». Ils ne supportaient pas que des Noirs se sentent un peu émancipés après avoir été mobilisés dans l’armée ou avoir travaillé dans l’industrie au cours de la guerre.
Le gouverneur actuel de l’Oklahoma ne souhaite pas que ce passé peu reluisant soit enseigné dans les écoles de son État. Début mai, il a promulgué une loi limitant l’enseignement de l’histoire du racisme d’État et de la législation ségrégationniste restée en vigueur jusque dans les années 1960.
Ce clin d’œil du gouverneur républicain à l’électorat raciste a choqué jusque dans les rangs de la commission chargée depuis cinq ans de préparer la commémoration du centenaire du massacre de Tulsa. Un de ses membres, pourtant républicain lui aussi, en a démissionné, avant que celle-ci refuse de recevoir et d’auditionner le gouverneur comme prévu.
Quant à Biden en visite à Tulsa, il a annoncé des aides aux entreprises possédées par des Noirs et une réglementation anti-discrimination accrue dans le domaine du logement. C’est, du moins dans les discours présidentiels, le retour à un peu de discrimination positive, ce qui n’a pas fait en cinquante ans disparaître les inégalités raciales. Aux États-Unis, le racisme est loin d’être uniquement une affaire historique.