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Dans le monde
Rwanda : l’impérialisme français responsable et coupable
Il y a tout juste 27 ans, le 6 avril 1994, débutait le génocide des Tutsis au Rwanda. Si la dictature rwandaise put alors orchestrer le massacre de près d’un million de personnes c’est parce qu’elle avait été aidée, armée et soutenue jusqu’au bout par l’État français.
Le rapport des historiens de la commission Duclert, triés sur le volet par Macron, qui vient d’être publié, fait semblant de reconnaître les « lourdes responsabilités » de la France. Mais en réalité, en se contentant d’incriminer les responsables politiques de l’époque, il dédouane l’État français de sa complicité profonde.
Depuis des années, des historiens, des rescapés, des journalistes et même des militaires français ont dénoncé les crimes commis au Rwanda par l’armée, les diplomates, les gouvernants et les banques françaises qui ont financé les achats d’armes. Mais le négationnisme était la règle absolue du discours officiel de l’État français. Négation de l’existence de ce génocide, puis du rôle de la France, puis de l’aide apportée directement aux assassins avec l’opération militaire Turquoise.
Tout le rapport vise donc à un savant équilibre entre la reconnaissance des responsabilités des autorités françaises de l’époque et le fait d’en disculper en même temps la France en tant que puissance impérialiste. S’en prendre à Mitterrand et ses réseaux africains en est donc la pierre angulaire. Ce n’est pas difficile tant Mitterrand a été un des meilleurs défenseurs de la colonisation puis des intérêts français en Afrique après les indépendances. Ses ignominies africaines sont multiples. Son formatage intellectuel colonial, raciste et ethniste était total. Et il n’avait pas hésité à affirmer en 1994 : « pour ces gens-là, un génocide ce n’est rien. » Mais ce ne sont pas ses choix personnels, ses amitiés avec Habyarimina et sa femme ou ses préjugés immondes qui expliquent sa politique au Rwanda. Ils n’étaient qu’un aspect secondaire de la domination impérialiste française, dont tous les politiciens de l’époque étaient les serviteurs.
En mettant toute la responsabilité sur Mitterrand, ces mêmes responsables qui ont du sang sur les mains, tentent de s’innocenter. Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères de l’époque, a affirmé dans une interview : « Nous n’avons pas réalisé qu’un génocide submergeait le Rwanda », ou encore, « nous n’avons pas mesuré que nous abandonnions, en quittant Kigali avec le dernier avion français le 14 avril, des centaines de milliers de Tutsi promis à la mort, des morts atroces, insoutenables. » Cette version a été démentie maintes fois. Mais il ose se dédouaner encore en ajoutant : « Nous n’avons pas compris qu’un génocide ne pouvait supporter des demi-mesures. »
Pour l’État français, non seulement il n’est pas question de reconnaître la moindre complicité, ce qui pourrait donner prise à des attaques en justice. Mais plus profondément, il n’est pas question de remettre en cause sa politique africaine. Après la décolonisation, tous les gouvernements ont œuvré à maintenir les intérêts des capitalistes français dans ce qu’ils considéraient comme leur pré carré. Pour ce faire, ils ont soutenu les pires dictatures, défendu des gouvernements contre leur population, envoyé l’armée à de nombreuses reprises. Le soutien au dictateur rwandais Habyarimina était un aspect de cette politique. Que cette dictature ait reposé sur des massacres de Tutsis, tous les hommes politiques français le savaient très bien car cela durait depuis des décennies. Mais la chute de ce régime signifiait l’arrivée au pouvoir de la seule force d’opposition conséquente, le Front populaire rwandais (FPR), composé principalement de Tutsis exilés de force. Et avec elle, les intérêts anglo-saxons risquaient de prendre la place dans ce pays, au cœur de la région des Grands Lacs, et donc de la plus riche région minière d’Afrique.
C’est exactement la même préoccupation pour les intérêts français qui guide Macron aujourd’hui. Depuis la victoire du FPR, la France a perdu pied au Rwanda et l’impérialisme français voudrait renouer avec le régime de son dirigeant actuel, Paul Kagamé, et avec les affaires. Pour cela, il faut se débarrasser de l’accusation de complicité de génocide. Le rapport de la commission est un élément non négligeable de cette opération diplomatico-capitaliste.
On ne sait pas si Macron présentera des excuses au Rwanda et si Kagamé les acceptera, pour le plus grand bien des Bouygues, Total et autres capitalistes gavés de sang africain. En revanche, pour ne pas être les spectateurs impuissants des prochains massacres commis avec le soutien de l’armée française, il faut comprendre que l’impérialisme français en tant que tel est coupable et responsable du génocide. Aucune excuse officielle ne lavera ces crimes. Combattre l’impérialisme français, la misère et la barbarie qu’il fait régner dans les trois quarts de l’Afrique est la seule façon de venger les morts.