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Dans les entreprises
Houillères de Lorraine : une reconnaissance des risques au travail
Après des années de mobilisation et d’action judiciaire, 726 anciens mineurs de charbon de Lorraine ont obtenu de la cour d’appel de Douai la reconnaissance du préjudice d’anxiété pour avoir été exposés à des substances toxiques.
Ils vont toucher chacun 10 000 euros, payés par l’État puisque leur employeur, les Charbonnages de France, n’existe plus.
Les anciens mineurs ne sont plus que 726 encore en vie. 49 sont décédés depuis le début de la procédure à un âge moyen de 68 ans : dix ans de moins que l’espérance de vie moyenne des hommes en France ! Cela en dit long sur les conditions de travail qu’ils ont eues à subir.
Depuis 2011, quelques centaines se sont regroupés à l’initiative de militants CFDT pour faire reconnaître ce préjudice d’anxiété lié aux conditions de travail. Depuis, il y a eu un véritable marathon judiciaire. Saisi en 2013, les Prud’hommes de Forbach avaient condamné en 2016 les Charbonnages de France à verser 1 000 euros par salarié, sur la base d’une liste de substances nocives incomplète. Les mineurs avaient fait appel.
Un an plus tard, la cour d’appel les avait déboutés de leurs demandes. Ce jugement avait été cassé en 2019 par la Cour de cassation qui avait renvoyé l’affaire en appel à la cour de Douai. Celle-ci vient donc de donner raison aux 726 mineurs et reconnaît qu’ils ont été exposés à une longue série de substances nocives en plus des particules d’amiante : poussières de bois, de charbon et de rochers, fumées de locomotive diesel, émanations de produits et liquides toxiques générant « un risque élevé de développer une pathologie » dit-elle. Le tribunal reconnaît que les Charbonnages n’ont pas pris « toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ».
En outre la Cour de cassation reconnaît le droit pour tout salarié justifiant « d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi » d’agir en justice contre son employeur pour manquement à son obligation de sécurité.
Le journal Les Échos parle à ce propos de « la boîte de Pandore que redoutaient les employeurs au début de la procédure » avant de relever avec satisfaction qu’« elle ne s’est pas ouverte pour autant : dans l’intervalle le délai de prescription est passé de trente ans à cinq ans, puis à deux ans, excluant de facto l’hypothèse d’une avalanche de plaintes ». Et de conclure : « La reconnaissance du préjudice d’anxiété demeure par ailleurs difficile et hors de portée d’un salarié isolé. » En bref, les patrons respirent, vu les délais de prescription, ils vont pouvoir continuer à empoisonner la santé des travailleurs.
Ce jugement est une victoire pour les 726 mineurs qui n’ont pas lâché l’affaire. Mais il souligne aussi toute l’injustice de la situation : la quinzaine de milliers de mineurs retraités qui n’étaient pas dans la procédure mais ont subi les mêmes conditions de travail ne toucheront rien.
« Les mines sont fermées mais il n’y a pas de nostalgie », ajoute François Dosso, ancien mineur CFDT porte-parole de ce combat, dans la presse. « On regrette la camaraderie, la solidarité, le plein emploi… mais nous ne regrettons pas le bagne. Certains chantiers des houillères, c’était Cayenne. La seule différence c’est qu’il n’y avait pas de crocodiles au fond de la mine ». Eh oui, car les crocodiles sont au sommet des entreprises et de l’État.