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Dans les entreprises
Michelin : milliardaire et licencieur
Michelin vient d’annoncer un plan dit « de simplification et de compétitivité », qui d’ici à 2024 doit permettre au groupe de supprimer 2 300 emplois en France : 1 100 dans les bureaux et 1200 en production.
Si la direction se garde pour l’instant de donner tous les détails, les sites les plus touchés seraient ceux de Clermont-Ferrand, Bordeaux, Épinal et Paris. Aucune des quinze usines Michelin du pays ne serait épargnée.
Pour s’éviter les procédures et les frais d’un PSE (les mal nommés « plans de sauvegarde de l’emploi », en réalité des plans de licenciements collectifs), les patrons de Michelin tablent sur les départs qu’ils baptisent volontaires. Ils visent 60 % de départs en préretraite et 40 % de départs dits accompagnés, via des ruptures conventionnelles collectives, un dispositif introduit par Macron fin 2017 pour aider le patronat à licencier plus facilement.
Ce volontariat est tout relatif. Les conditions de travail sont si mauvaises, avec horaires décalés, cadences pénibles, pressions des chefs, qu’il y aura forcément des candidats au départ parmi les plus de 50 ans. Et les directions savent faire pression sur les hésitants quand il s’agit d’atteindre le nombre de départs visé. Tout sera bon pour éviter à Michelin d’avoir recours à des licenciements secs, qui feraient désordre alors que les actionnaires du groupe font des affaires.
Le prétexte donné par le PDG, Florent Menegaux, pour justifier ces destructions d’emplois est classique : l’entreprise serait menacée par la concurrence des pneus asiatiques bas de gamme et des pneus haut de gamme fabriqués en Europe de l’Est. Il faudrait donc que chaque usine française gagne 5 % de rentabilité par an pour faire face, et que chaque ouvrier en France soit plus productif.
La concurrence entre géants du pneumatique est bien réelle, et féroce. Mais Michelin, numéro deux mondial derrière le groupe japonais Bridgestone, est loin d’être en difficulté. Le groupe, qui exploite 127 000 salariés dans le monde, a multiplié par trois les dividendes versés aux actionnaires depuis 2009. Il a réalisé 1,7 milliard de bénéfices en 2019. Et la famille Michelin, principale actionnaire de l’entreprise, est une dynastie bourgeoise florissante, qui se classe encore dans les cent premières grandes fortunes françaises. Même si, en 2020, la crise sanitaire a ralenti l’activité et fait baisser le chiffre d’affaires, Michelin n’est pas dans le rouge et se targue de perspectives prometteuses pour les années à venir, par exemple dans les pneus pour les secteurs minier et agricole.
Les coupes annoncées dans les effectifs n’ont donc pas d’autre fonction que de faire produire plus avec moins de bras, et ainsi donner aux actionnaires l’assurance que leur retour sur investissement continuera à croître. Elles s’inscrivent dans le droit fil des fermetures d’usines des années passées, à la Roche-sur-Yon, Bamberg en Allemagne et Dundee au Royaume-Uni, qui ont détruit en tout 1 500 emplois. Les travailleurs n’ont aucune raison d’accepter de nouveaux sacrifices. Les bénéfices actuels mais aussi passés, réalisés sur le dos de générations d’ouvriers en France et dans le monde entier, sont plus que suffisants pour maintenir tous les emplois. Il faut prélever sur ces profits, accaparés au premier chef par la famille Michelin, de quoi garantir un salaire à tous.
Michelin, pour faire passer la pilule, annonce que chaque suppression de poste sera compensée rapidement par des créations d’emplois pour les jeunes. C’est un tour de passe-passe. D’une part, il est évidemment dans l’intérêt du patron de remplacer des travailleurs ayant de l’ancienneté, usés par l’exploitation et moins mal payés, par des jeunes plus productifs pour un salaire moindre. Mais, d’autre part, rien ne garantit que Michelin tiendra ses engagements sur ce point. Le gouvernement se dit bien vigilant, mais cela ne risque pas d’empêcher Michelin, une fois de plus, de ne pas tenir parole.
Dans les mois qui viennent, la direction de chaque usine va chercher à impliquer les syndicats dans son plan de destructions d’emplois, et à leur faire avaliser les ruptures conventionnelles collectives. Il ne tient qu’aux travailleurs de faire dérailler cette mécanique bien huilée de la « coconstruction » et du « partenariat social ». Des rassemblements ont déjà eu lieu, notamment aux usines de La Combaude et de Cholet, pour dénoncer l’attaque en cours : il ne faut pas que le combat s’arrête là.