Génocide rwandais : une commission aux ordres09/12/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/12/2732.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Génocide rwandais : une commission aux ordres

En avril 2019, Emmanuel Macron avait annoncé la création d’une commission formée d’historiens et de chercheurs qui auraient accès à toutes les archives concernant le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, entre autres celles classées secret défense.

Pour Macron, il ne s’agissait pas de permettre de reconnaître enfin la responsabilité de l’État français dans le génocide de 1994 et les crimes de son armée, même vingt-six ans après les faits. Il ne s’agit pas non plus de faire la lumière, mais de donner le change à moindre frais car Macron aimerait bien solder le passif pour faciliter les relations avec le Rwanda.

La commission, qui avait écarté tout spécialiste du Rwanda et même de l’Afrique, sous prétexte de neutralité, traverse une crise car une de ses membres, l’historienne Julie d’Andurain, qui n’a jamais caché sa proximité avec les milieux militaires, a publié une notice pour Le dictionnaire des opérations extérieures de l’armée françaises où elle reprend une grande partie des inepties servant à justifier le rôle de l’armée française au Rwanda. Le génocide y est résumé à un « massacre entre Tutsis et Hutus » et le seul à y être présenté comme un génocidaire est Paul Kagamé, l’actuel président du Rwanda, vainqueur du régime génocidaire en 1994 à la tête du FPR.

L’historienne en question a depuis quitté la commission. Mais cela ne change rien à la propension de cette commission à relativiser la complicité de l’impérialisme français. Elle a donné en avril 2020 une note d’étape, puisque ses conclusions définitives doivent être remises en avril 2021, commentée ainsi par l’association Survie : « Il est choquant que, dans son préambule historique, cette note d’étape présente comme positif le rôle de la France au Rwanda, parfois en contradiction avec ce qu’a déjà reconnu la Mission d’information parlementaire de 1998 ». Alors qu’on sait évidemment que pendant les trois mois de massacres, qui firent près d’un million de morts, le soutien de l’impérialisme français aux génocidaires ne s’arrêta jamais, par une présence militaire directe, parfois ouverte, parfois plus discrète, en leur livrant des armes, passant outre l’embargo décrété par l’ONU. C’est à l’ambassade de France que se forma le nouveau gouvernement, après l’attentat contre le président Habyarimana, alors que les rues de Kigali étaient jonchées de cadavres de Tustis ou d’opposants au régime. Et ce fut l’armée française qui permit le repli des génocidaires à la frontière du Congo-RDC lors de l’opération Turquoise, présentée comme une opération humanitaire.

Ces fait sont aujourd’hui largement documentés, même par d’anciens soldats ou officiers français. Mais ne dit-on pas que lorsque l’on veut enterrer un dossier, on crée une commission ?

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