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Éthiopie : les ravages de la guerre
En Éthiopie, près de 45 000 personnes ont dû se réfugier au Soudan voisin pour fuir les combats entre l’armée nationale et les troupes de l’État régional du Tigré. La capitale du Tigré, Mekele, une ville de 500 000 habitants, a été bombardée et finalement prise par l’armée nationale.
La population de la région paie ainsi la lutte pour le pouvoir engagée depuis plusieurs années entre les dirigeants d’Addis-Abeba, la capitale fédérale, et ceux du Tigré. L’Éthiopie est en effet depuis 1995 un État fédéral composé de dix États régionaux, constitués sur une base ethnique et jouissant d’une large autonomie. Jusqu’en 2018, le pouvoir central était aux mains de dirigeants originaires du Tigré. Cette région n’abrite pourtant que 6 % de la population, mais l’élite tigréenne a toujours fourni une partie des dirigeants du pays. De plus, c’est un mouvement de guérilla tigréen, le TPLF, qui a renversé en 1991 la junte militaire à la tête du pays. Mais en 2018 Abiy Ahmed, appartenant à l’ethnie majoritaire du pays, les Oromos, a été élu Premier ministre. Il a entrepris de mettre fin à la toute-puissance des dirigeants tigréens.
La lutte s’est alors engagée. Abiy Ahmed a destitué des dirigeants tigréens et lancé en vain des mandats d’arrêt contre certains d’entre eux. Lorsqu’il a annoncé que les élections prévues en août dernier étaient reportées à une date ultérieure à cause de l’épidémie de coronavirus, le Tigré a organisé ses propres élections le 9 septembre et déclaré qu’il ne reconnaissait plus le gouvernement central. La guerre a alors commencé. Dans ce combat pour le pouvoir, Abiy Ahmed a pu s’appuyer sur le ressentiment suscité par les dirigeants tigréens. Ceux-ci avaient outrageusement profité de leur situation pour piller les caisses de l’État central et favoriser leur propre ethnie, comme lorsqu’ils ont annexé toute une partie des terres appartenant aux Amharas, l’ethnie de la région voisine. Alors que les cultivateurs amharas et tigréens vivaient en paix et que, notamment, les mariages mixtes sont fréquents, la guerre va aiguiser les tensions ethniques.
Pendant qu’Abiy Ahmed et les dirigeants tigréens s’affrontent pour le pouvoir, les travailleurs éthiopiens plongent dans la misère. Les entreprises des pays impérialistes exploitent en Éthiopie une des mains-d’œuvre les moins chères du monde. Les ouvrières travaillant pour les grandes marques de la confection doivent se contenter de salaires représentant un tiers de ceux du Bangladesh. Sur ce point, il y a unanimité dans la classe dirigeante éthiopienne, quelle que soit son origine. Tous s’en prévalent pour chercher à attirer toujours plus d’investisseurs et atteindre ainsi un taux de croissance de plus de 8 % par an. Mais, pour les travailleurs, il est de plus en plus difficile de se nourrir et de se loger. Les prix des aliments de base que sont le mil et le sorgho ont plus que doublé en un an, sous les coups de la crise économique mondiale et du coronavirus. Et si la guerre devait durer, cela ne pourrait que s’aggraver.
Les politiciens et les capitalistes qui créent cette situation sont les ennemis mortels des travailleurs, qu’ils soient à Addis-Abeba, au Tigré ou installés dans les grandes puissances. La classe ouvrière et toute la population pauvre ne peuvent mener la lutte contre eux qu’au coude-à-coude, quelle que soit leur ethnie.