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- Lutte ouvrière n°2730
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Editorial
Crise sanitaire et économique : refusons d’en faire les frais !
Macron a promis d’apporter de la clarté, un cap et de la cohérence dans la lutte contre l’épidémie, mais il en est incapable !
Depuis le début de cette pandémie, nous payons l’absence d’une véritable politique de prévention, absence dont le manque de masques a été le symbole. Nous payons le manque de moyens dans les hôpitaux et les Ehpad. Nous payons l’existence des déserts médicaux.
Comment parler de cap et de clarté quand tout se fait dans l’improvisation et la précipitation ? La gestion sanitaire consiste à gérer la pénurie. Le premier déconfinement a été un fiasco en termes de dépistage, traçage et isolement, et sur cette question rien n’a changé. Quant à la future campagne de vaccination, le flou autour de son organisation laisse présager le pire.
Mais il ne s’agit pas seulement d’incompétence politique. Ces manquements, ces contradictions et ces incohérences sont aussi le fruit d’un choix de classe : il s’agit d’imposer le moins de contraintes possible aux capitalistes et de faire en sorte que l’économie tourne au maximum pour que les profits s’accumulent.
Le gouvernement traque le virus dans les moindres recoins de nos vies privées, mais il le laisse circuler dans les transports en commun, les écoles, collèges, lycées et bien sûr les entreprises. Il multiplie les contraintes, les interdits et les sanctions pour la population, mais il ferme les yeux sur ce qui se passe au travail. Comme si le Covid-19 ne se transmettait pas dans le cadre professionnel ! Et comme si les entreprises n’étaient pas des clusters importants !
Le contraste entre l’acharnement du pouvoir contre les petits commerces qui ne pourraient rouvrir qu’en assurant 8 mètres carrés par client, et ce qui se passe dans les grandes entreprises souligne tout le mépris gouvernemental vis-à-vis des ouvriers et de bien des employés. S’il faut un espace de 8 mètres carrés pour un client qui ne reste que quelques minutes dans un magasin, pourquoi les ouvriers peuvent-ils travailler et suer huit heures durant au coude-à-coude sur les chaînes de montage de l’automobile, de l’agroalimentaire ou de la logistique, sans même que les cadences soient ralenties, sans pauses supplémentaires, sans personnel pour désinfecter les postes de travail ?
Le grand patronat a les mains libres. Il peut faire travailler des équipes rassemblant des centaines, voire des milliers de travailleurs. Il peut leur imposer des heures supplémentaires et des samedis travaillés. Et il n’y aura pas de patrouille de police pour vérifier qu’il applique bien le protocole sanitaire affiché, que les postes sont désinfectés ou qu’il y a du gel hydroalcoolique.
Alors que le gouvernement réfléchit à rendre obligatoire l’isolement des malades et à punir ceux qui ne le respecteraient pas, combien d’entreprises sous-estiment ou dissimulent les cas de Covid ? Combien de salariés se sont découverts cas-contacts avec retard ? Combien subissent des pressions de leur hiérarchie pour venir travailler, même en étant malades ? Il faut dire que continuer à travailler en étant positif au Covid est la norme dans bien des hôpitaux. Alors pourquoi les directeurs d’entreprise s’en priveraient-ils ?
Alors, oui, tout cela est contradictoire et inefficace pour lutter contre la pandémie, mais c’est ainsi que fonctionne une société qui place les intérêts de la minorité capitaliste au-dessus de tout. C’est le fonctionnement normal d’une société de classes, où les travailleurs triment et se sacrifient quand le grand patronat encaisse.
Macron veut fixer un cap car « rien n’est pire que l’incertitude et l’impression d’une morosité sans fin », a-t-il dit. Mais il n’y a pas d’incertitude pour la bourgeoisie : ses affaires et ses profits sont assurés et le gouvernement les garantit. Il n’y a de l’incertitude que pour les travailleurs, car ils savent que, dès qu’il y a des sacrifices à faire dans la société, c’est à eux qu’ils sont imposés.
Ce sont eux qui font les frais de la crise sanitaire en sacrifiant leur liberté et leur santé. Ce sont encore eux qui subissent les conséquences de la crise économique, avec des conditions de travail qui sont sacrifiées, quand ce n’est pas, comme chez Bridgestone ou Danone, leur salaire et leur emploi !
Mais cela n’a rien d’une fatalité, pas plus que cette société de classes où le bonheur des uns ne peut se faire que sur le malheur des autres. La bourgeoisie dirige et tire les marrons du feu, jusqu’au jour où la coupe sera pleine et où la classe ouvrière n’acceptera plus de subir !