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Guadeloupe : le scandale du manque d’eau
À l’approche de la Toussaint, le temps de saison, appelé l’hivernage, a déversé sur la Guadeloupe de belles averses. Par contre, dans nombre de localités, les robinets restent obstinément à sec.
Un habitant de la commune de Saint-François a ainsi témoigné sur France 2 avoir eu de l’eau durant un jour et demi sur un mois. À Sainte-Anne, une dame a révélé à la radio qu’elle n’a en général de l’eau que la nuit, et depuis plusieurs jours plus d’eau du tout. C’est le lot de nombreux usagers.
La cause est bien connue de tous : le réseau d’adduction est si vétuste que 60 % de l’eau se perd en route. La Générale des eaux, aujourd’hui filiale de Veolia, a été sous divers sigles (Sobea, Sogea) responsable de la gestion globale de l’eau en Guadeloupe depuis 1947. En 2017, elle a mis la clé sous la porte en laissant le réseau dans cet état déplorable. En 2007, elle était bénéficiaire de 4,4 millions d’euros pour ses résultats bruts d’exploitation. En 2011, elle accusait un déficit de 6,4 millions, alors que de 2008 à 2010 ses comptes n’avaient pas été expertisés. L’argent qui aurait dû servir à entretenir le réseau s’est ainsi évaporé.
Les communautés d’agglomération et le Sieag (syndicat intercommunal d’alimentation en eau et assainissement de Guadeloupe) ont pris le relais. Le président du Siaeag, Amélius Hernandez, a été épinglé par la Cour des comptes pour « insincérité comptable portant sur des montants très importants », puis condamné après douze ans de procédure à trois ans de prison, dont deux avec sursis, et 150 000 euros d’amende. La présidente de la communauté d’agglomération du Sud-Basse-Terre, Lucette Michaux-Chevry, l’ex-ministre de Chirac, a été condamnée pour, entre autres, détournement de fonds publics.
Entre les élus peu scrupuleux, les grosses sociétés voleuses et un réel manque de moyens, les communautés de communes n’ont pas le financement pour entretenir le réseau. Dans la zone gérée par la communauté d’agglomération Grand Sud Caraïbe, CAGSC (région de Basse-Terre), les stations d’épuration sont vétustes ou non opérationnelles. Les eaux usées non traitées se déversent dans les ravines ou dans la mer. De manière générale, les stations de traitement de l’eau potable fonctionnent à l’économie, ce qui rend l’eau impropre à la consommation, empoisonnée par le chlordécone, voire des matières fécales, métaux lourds ou autres.
Quelques millions sont investis ici et là pour tenter de calmer la colère des usagers. Mais les rustines posées sur les tuyaux n’arrêtent pas l’hémorragie. De grands travaux estimés à un milliard d’euros seraient nécessaires pour arrêter les fuites et rénover entièrement le réseau d’adduction et d’épuration. Avec les 30 % de chômeurs que compte l’île, la main-d’œuvre serait déjà assurée pour tout réparer en un temps record.
Alors, face aux atermoiements, aux promesses qui durent depuis tant d’années, une mobilisation et un coup de colère de la population seront nécessaires pour qu’une eau potable et de bonne qualité coule de nouveau dans les robinets.