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Bolivie : le retour du parti de Morales
Le 18 octobre en Bolivie, Luis Arce, le candidat du MAS, le parti d’Evo Morales, a remporté l’élection présidentielle dès le premier tour avec 52,4 %, contre 31,5 % à son adversaire de droite, Carlos Mesa. Avec plus de vingt points d’écart, c’est un camouflet pour la droite qui depuis onze mois a tout fait pour écarter le MAS de la présidence.
En octobre 2019, Evo Morales avait été réélu pour la quatrième fois à la présidence. La droite n’avait pas accepté la défaite et, avec l’appui d’un rapport truqué de l’Organisation des États américains (OEA), elle avait dénoncé un scrutin frauduleux et organisé des manifestations dans le pays. En novembre, quand l’armée et la police avaient apporté leur soutien à la droite, Morales avait renoncé au pouvoir et s’était exilé au Mexique puis en Argentine. Une sénatrice de droite, Janine Añez, avait été nommée présidente par intérim, pour une période de trois mois, qui s’était prolongée de huit mois supplémentaires. Les quartiers populaires s’étant mobilisés contre le départ de Morales, la répression avait été violente, faisant trente morts.
Remarquée pour son caractère autoritaire et son racisme anti-indiens et antipauvres, Añez, la Bible à la main, avait dénoncé Evo Morales et ses ministres comme séditieux, terroristes et génocidaires, rien de moins. Elle a rompu avec le Venezuela et Cuba, renoué avec Washington et reprivatisé l’entreprise d’électricité de Cochabamba, renvoyant à cette occasion son ministre de l’Économie qui s’y opposait. En onze mois, elle a ainsi usé trois ministres de la Santé, trois à l’Économie, trois autres à la Planification du développement, trois dans les Mines et quatre au Développement productif !
Comme dans la plupart des pays d’Amérique latine, le service de santé bolivien est rongé par la corruption des dirigeants. Quand le Covid est arrivé, il n’y avait ni respirateurs, ni médicaments, ni oxygène. L’achat de respirateurs quatre fois plus cher que le prix du marché a envoyé le ministre de la Santé en prison. Avec plus de 8 000 morts, la Bolivie est dans le trio de tête des pays comptant le plus grand nombre de décès par million d’habitants.
Añez a repoussé à trois reprises les élections qui devaient se tenir en janvier 2020. Elle a bien tenté de se présenter, mais un trop-plein de candidats de droite l’a obligée à jeter l’éponge.
Le candidat du MAS, Luis Arce, a bénéficié du crédit gagné par Morales, dont il a été ministre de l’Économie. Alors que les prix des matières premières exportées par la Bolivie étaient à la hausse, Morales avait pu développer des programmes sociaux qui avaient fait sensiblement reculer la pauvreté. Mais le nouveau président doit maintenant affronter une crise économique, sanitaire et sociale alors que le prix des matières premières est à la baisse. Il espère rétablir le compromis, rompu en novembre dernier, avec le grand patronat. Il parle d’union nationale. Mais nul ne sait si la droite va tenter la même épreuve de force que l’an dernier ni quelle sera l’attitude des forces armées ni ce que Arce proposera alors. Le candidat de droite, Luis Fernando Camacho, est arrivé en tête de l’élection à Santa Cruz, la capitale économique de la Bolivie, avec 45 % des voix. Très actif contre le MAS en novembre dernier, il pourrait récidiver.
Dans les quartiers populaires où le MAS est fort, il obtient jusqu’à 65 % des voix. Dans le passé, la population a su s’opposer aux multinationales dans les « guerres de l’eau et du gaz », en se mobilisant massivement, ouvrant la route à Morales. Seules des mobilisations semblables permettront aux travailleurs de ne pas être victimes de la crise actuelle.