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Dans le monde
Haut-Karabakh : populations martyrisées
Le président russe Poutine s’est apparemment félicité trop vite d’avoir obtenu un cessez-le-feu dans le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie car, quelques heures plus tard, les combats reprenaient violemment. Ces deux ex-républiques soviétiques du Caucase s’étaient de nouveau prises à la gorge à propos du Haut-Karabakh, une enclave surtout peuplée d’Arméniens située alors au sein de l’Azerbaïdjan qui, lors de l’éclatement de l’Union soviétique, fin 1991, avait fait sécession pour s’unir à l’Arménie voisine.
Moscou a-t-il conforté à cette occasion son rôle de parrain de l’ex-espace soviétique, qu’il entretenait avec soin depuis des années en armant chacun des deux camps pour mieux les tenir sous sa coupe ? En tout cas, ce jeu du Kremlin, sur fond des habituelles manœuvres des bureaucrates nationalistes azéris et arméniens, est précisément ce qui a, une nouvelle fois, transformé cette région en enfer pour les populations arméniennes, azéries et autres, qui y cohabitaient pacifiquement du temps de l’Union soviétique.
Des reportages télévisés ont montré comment les habitants de Stepanakert, la capitale du Haut-Karabakh, se terraient dans des caves pour échapper aux bombardements des forces de Bakou, la capitale azerbaïdjanaise. Ils se protègent également des drones de la Turquie et des attaques des alliés djihadistes syriens d’Ankara. Car la Turquie d’Erdogan a ouvertement pris fait et cause pour l’Azerbaïdjan au nom du « panturquicisme » et de la « lutte contre le terrorisme arménien ». Et surtout, du fait qu’Erdogan a de plus en plus besoin de s’afficher en chef de guerre à l’extérieur pour tenter d’endiguer, à l’intérieur, le discrédit de son propre régime.
En deux semaines de bombardements, le Haut-Karabakh, avec ses 150 000 habitants en temps de paix, s’est vidé de sa population civile. Des militaires venus d’Arménie l’ont en partie remplacée, Erevan ayant décrété la mobilisation générale en solidarité avec la république « sœur » du Haut-Karabakh, dont tous les hommes étaient eux aussi sous les armes. En face, en Azerbaïdjan, les autorités ont agi de même et la population n’y a pas non plus été épargnée : à 100 kilomètres de la ligne de front, Gandja, la seconde ville du pays avec plus de 300 000 habitants, a été frappée par des bombes arméniennes. Car, d’un côté comme de l’autre, les intérêts de grands groupes occidentaux, pétroliers notamment, les calculs géostratégiques, les manœuvres diplomatiques, les manigances des clans locaux au pouvoir ainsi que les contrats d’armement d’une multitude de puissances régionales ou ayant des ambitions mondiales (Russie, Turquie, France, États-Unis, Israël, Japon, République tchèque, entre autres) s’entremêlent de façon inextricable. Le tout concourt à jeter de l’huile sur le brasier caucasien, dans un contexte où l’aggravation de la crise économique mondiale s’accompagne de plus en plus de roulements de tambour et de bruits de bottes.
Officiellement, ces derniers affrontements ont causé la mort d’un demi-millier de personnes. Ce bilan n’a malheureusement rien de définitif.