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Iran : flambée de colère ouvrière
Début août, en Iran, des milliers de travailleurs ont déclenché des grèves dans l’industrie pétrolière, gazière et pétrochimique. Les 8 et 9 août ont vu une nouvelle flambée de colère ouvrière.
Peu auparavant, en juillet, un ouvrier de la pétrochimie avait succombé à un coup de chaleur à Mahshahr, dans le sud-ouest du pays, après avoir dû travailler à une température avoisinant 50°. En juin, c’était un autre travailleur, dans le champ pétrolifère de Yadavaran Hoveyzeh, qui se suicidait en protestation contre des arriérés de salaire impayés. Depuis, comme en témoignent des rapports et des vidéos publiés sur les réseaux sociaux et par des organisations d’opposants au régime iranien, la grève s’est propagée, contre les salaires et les primes non versés, les payes de misère, mais aussi contre les conditions de travail et de vie de plus en plus désastreuses, qui plus est dans un contexte de températures étouffantes.
Le mouvement gréviste s’est étendu aux raffineries liées aux gisements gaziers de South Pars, dans le golfe Persique, où environ 10 000 ouvriers ont cessé le travail. Selon un rapport du syndicat IndustriAll, « les grévistes sont des constructeurs, des électriciens, des soudeurs, des tuyauteurs et d’autres ouvriers qualifiés, employés par des agences de placement et des recruteurs de travailleurs au noir dans des projets industriels menés dans le plus grand gisement de gaz naturel au monde. Ils travaillent par cycles de quarts de 20 jours, suivis de dix jours de congé, et sont logés dans des dortoirs situés à proximité de leur lieu de travail pendant les jours travaillés. »
La grève a ensuite gagné la raffinerie d’Ispahan, quatre autres raffineries, puis le complexe pétrochimique de Lamerd. Les retards de paiement des salaires sont récurrents, et des grèves se sont produites au cours des mois précédents, la répression s’abattant sur les travailleurs considérés comme les meneurs. Les arrêts de travail ont aussi repris, un mois et demi durant, dans l’immense complexe agro-industriel que constitue la sucrerie de Haft Tappeh, dans la province du Khuzestan. Une longue grève pour les salaires et les conditions de travail s’y était déroulée en novembre 2018, donnant lieu à des dizaines d’arrestations, dont celles de militants ouvriers. Plusieurs d’entre eux furent condamnés à des peine de prison, parfois avec sursis, et à la flagellation, sans sursis. Parmi eux, un militant syndical, Ismaïl Bakhshi, emprisonné et torturé en janvier 2019, fut condamné à l’automne suivant à 14 ans de prison et 74 coups de fouet.
L’aggravation de la situation économique pour la majeure partie des 80 millions d’habitants, sur lesquels pesaient déjà les conséquences de l’embargo dont le pouvoir américain a pris l’initiative, s’est accélérée avec la pression maximale exercée par l’entourage de Trump depuis son retrait unilatéral de l’accord sur le nucléaire iranien, étranglant de plus en plus la population. En novembre dernier, la hausse des prix du carburant à la pompe suite à une taxe supplémentaire avait déclenché d’amples manifestations, réprimées dans le sang. La nouvelle menace, l’épidémie de coronavirus, déclarée par les autorités en février dernier, a fait jusqu’à présent près de 19 000 morts officiellement, trois fois plus selon un haut fonctionnaire.
Il semble néanmoins que, dans un contexte de négociations d’accords avec la Chine, les dirigeants iraniens tentent de ne pas envenimer le mécontentement des travailleurs des grandes industries, en donnant ponctuellement satisfaction à une partie des revendications, tout en continuant de réprimer les militants ouvriers et les opposants. La classe ouvrière, femmes et hommes, n’en continue pas moins à contester courageusement la dictature que le régime lui impose.