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Tunisie : à Tataouine, la révolte de la jeunesse
Depuis des semaines, la région de Tataouine, située dans le sud de la Tunisie, est secouée par un mouvement de contestation de la jeunesse en butte à un chômage de masse. Fin juin, au moment même où le nouveau président Kaïs Saïed rencontrait Macron lors d’une visite officielle à Paris, la police réprimait les jeunes protestataires.
Dans les semaines précédentes, les jeunes ont érigé des campements et des barrages pour bloquer les camions appartenant à des sociétés d’exploitation de gaz et de pétrole situées sur le site d’Al-Kamour.
Cette révolte intervient après celle de 2017, qui s’était conclue, sous l’égide du syndicat UGTT, par un accord et la promesse des sociétés pétrolières d’embaucher par milliers des chômeurs de cette province. Cette promesse n’a jamais été tenue, la population reste marginalisée alors que la région est riche en pétrole. Les manifestants réclament l’application de l’accord et ont eu pour toute réponse des gaz lacrymogènes et l’arrestation de leur porte-parole.
Ces provocations sont d’autant plus inacceptables que la population s’est encore appauvrie. La crise sanitaire a considérablement aggravé les conditions d’existence des classes populaires et réduit à néant les perspectives de trouver du travail dans le nord du pays. La fermeture des frontières et le confinement ont provoqué l’arrêt du tourisme, ainsi que l’effondrement du secteur dit informel, l’ensemble des petits boulots qui permettent à de nombreux travailleurs de survivre, soit 40 % de l’économie. Beaucoup de travailleurs, de journaliers sont aujourd’hui sans revenu.
L’ouverture du pays début juillet aux touristes européens ne les a pas vraiment fait revenir. La guerre en Libye et la fermeture des frontières avec l’Algérie, où l’épidémie continue de progresser, privent la Tunisie de plus de la moitié de ses touristes. L’envolée du chômage de masse est une catastrophe.
L’élection en octobre dernier de Kaïs Saïed, qui s’était présenté comme un candidat intègre, antisystème et soucieux des classes populaires, n’avait guère suscité d’illusions. Depuis, des ministres ont été éclaboussés par des scandales successifs. Ainsi, alors que par milliers les travailleurs de la santé viennent de manifester contre le mépris qu’ils subissent et le manque de moyens pour faire face à la crise sanitaire, des responsables du secteur sont accusés de conflit d’intérêts, d’enrichissement illicite et de blanchiment d’argent.
En décembre 2010, l’immolation d’un jeune chômeur désespéré avait déclenché la vaste révolte qui avait chassé le dictateur Ben Ali et s’était étendue à de nombreux pays arabes. Dix ans plus tard, les raisons du mécontentement sont toujours présentes, et exacerbées par la crise du système capitaliste. Le régime tunisien, souvent présenté comme un modèle de démocratie à tous les peuples arabes, n’est que l’expression d’une dictature économique violente incapable de répondre aux aspirations des classes populaires à une vie digne.